Si des confrontations existent de plus en plus entre les artistes vivants et les œuvres du passé (expositions au musée du Louvre ou à celui d’Orsay, par exemple), les espaces dans lesquels ces artistes sont présentés restent muséaux.
Bien sûr, de nombreux édifices font l’objet d’expositions, mais il s’agit la plupart du temps de lieux désaffectés, ce qui n’est pas le cas de L’art dans les chapelles qui propose une rencontre entre le patrimoine et l’art contemporain en invitant des artistes à produire des œuvres spécifiques pour ces édifices qui restent consacrés. Les artistes invités s’inscrivent dans un cadre multiple où le paysage, l’architecture, les éléments mobiliers, l’histoire des lieux, le caractère sacré de ceux-ci… peuvent influer sur leurs pratiques. La programmation favorise le dialogue entre les médiums, les générations, les esthétiques en une vue en coupe de ce que serait la contemporanéité dans toute sa diversité.
(Eric Suchère, directeur artistique de l’Art dans les chapelles)
Cette année à l’Art dans les chapelles, la tendance semble être à une forme de minimalisme. Que cela soit nuancé : les chapelles bretonnes ont toujours fait et font toujours la part belle aux œuvres monumentales, qui se réapproprient les espaces exigus et questionnent nos propres dimensions dans ces lieux sacrés. L’installation de Roland Cognet dans la chapelle Notre-Dame du Gohazé de Saint-Thuriau remplit ce rôle à merveille et se joue de la démesure avec « Poutre et échelle ».
A l’extrême opposé, le parti pris de Vincent Dulom n’en est pas moins diminué (bien qu’effectivement à une échelle moindre…) : la série de peintures contemplatives Entre Tant dans la chapelle de la Trinité à Bieuzy, fait naître, par ses dimensions et son matériau (impression à l’encre sur papier chiffon) la possibilité perceptive de sa propre disparition. Leur installation, que fonde une économie de moyens proche de la pénurie, interroge, in situ, les lieux qui les accueillent, leur fragilité, le risque de l’oubli ou de la disparition.
Dans une même veine minimaliste, on retrouve le travail de Marie Zawieja à la chapelle Saint-Tugdual de Quistinic : « Une part de simplification des formes entre en compte, il s’agit de donner assez d’informations pour que la forme soit comprise sans qu’elle soit descriptive. La peinture se fait dans des rapports de masse, de couleurs, dans sa capacité qui lui est propre de créer des raccourcis de sens. » (Marie Zawieja). Il faut noter également le travail subtil de Marc Couturier à la chapelle de la Sainte-Trinité du domaine de Kerguéhennec (fruit d’un partenariat entre l’Art dans les Chapelles et cette institution dont nous vous parlons régulièrement dans les pages de Narthex).
Dans la chapelle Notre-Dame du Guelhouit, l’artiste Cécile Beau convie la nature à pénétrer dans l’espace intérieur, entre les pierres et les sculptures polychromes. Végétaux et minéraux y sont combinés dans des écosystèmes prenant la forme de paysages – dépouillé de la présence humaine – souvent austères et énigmatiques, que l’artiste fusionne en d’étranges hybrides naviguant dans un autre espace-temps.
A Cléguérec, la chapelle de la Trinité s’est parée de bleu ; des vitrines sont alignées, remplies de liquide, dans lequel une forme fantomatique ondule lentement, hypnotique. Ces installations sont le fruit des recherches de Adam Jeppesen. Ces formes presque inquiétantes, pièces de tissu tendues à quatre épingles, ne sont pas sans susciter des émotions contradictoires : émerveillement, curiosité, inquiétude ou méfiance… C’est que l’art permet à chacun de percevoir et de s’émouvoir différemment !
Mais aussi, Joan Ayrton à la Chapelle Notre-Dame du Moustoir (Malguénac), Charlotte Charbonnel à la Chapelle Saint-Meldéoc (Locmeltro, Guern), Laura Gozlan à la Chapelle Saint-Adrien de Saint-Barthélémy, Silvia Hestenets à la Chapelle Notre-Dame des Fleurs (Evellys, Moustoir-Remungol), Henri Jacobs à la Chapelle Sainte-Tréphine de Pontivy, Pascal Pinaud à la Chapelle Saint-Nicolas de Pluméliau, David Renaud à la Chapelle Saint-Drédeno (Saint-Gérand), Émilie Satre dans Les Bains-douches de Pontivy, Emmanuel Saulnier & Rémy Yadan en duo dans la Chapelle Sainte-Noyale (Noyal-Pontivy) ou enfin Peter Soriano dans la Chapelle Saint-Jean (Le Sourn).
Les chapelles de l’Art dans les chapelles sont toujours à découvrir dans trois circuits balisés qui guideront les visiteurs sur les routes du Pays de Pontivy et de la vallée du Blavet. Un guide est présent dans chaque chapelle pour accompagner la visite.