Jacqueline Lerat, le toucher de la terre

« Il y a dans le toucher de la terre quelque chose qui tient du toucher de l’autre » disait Jacqueline Lerat (1920-2009), figure rare de la céramique du 20e siècle. Un important ensemble d’œuvres de l’artiste est exposé au musée du Hiéron à Paray-le-Monial (71) jusqu’au 3 novembre 2019.
Publié le 21 août 2019

Jacqueline Lerat, A la limite de l’équilibre, grès chamotté, 2002,©Levasseur

La terre cuite à l’honneur

A la suite de la proposition d’Eric Moinet, co-commissaire en 2012 à la Cité de la céramique de Sèvres de l’exposition « Jacqueline Lerat. L’être et la forme, un ensemble d’œuvres de Jacqueline Lerat (1920-2009) et Jean Lerat (1913-1992) » est présenté au musée du Hiéron. Ce couple de céramistes marquent à eux seuls une génération de potiers, acteurs essentiels de la renaissance du village berrichon de La Borne renommé pour sa production de poterie de grès. L’exposition met à l’honneur cette technique ancestrale qui procède d’une alchimie de la terre et de l’eau, du bois et du feu.

Jacqueline Lerat, Maternité du jardin, 1960, grès © Abbaye royale de fontevraud, L. de Serres

Au féminin

Jacqueline Lerat devient l’une des très rares femmes vivant de son art dans ces années de guerre.

Les créations d’artistes femmes ont pris une place spécifique depuis l’exposition en 2013 : « Une spiritualité au féminin ». Sans en faire une question de genre, la dernière exposition Geneviève Gallois, peintre et moniale (2018) a montré combien une sensibilité au mysticisme émane du féminin. La rencontre en 1942 avec Anne Dangar (1885-1951) a été décisive pour Jacqueline Lerat, alors Jacqueline Bouvet, devenant avec la céramiste d’origine australienne, l’une des très rares femmes vivant de son art dans ces années de guerre. Le choix de la poterie était pour elles une manière d’accorder leur travail au quotidien : « Une relation avec la vie, la recherche d’un secret – ce qui me relie à la vie, à une certaine force ». (1)

Jacqueline Lerat, Mâconnais, 2004, grès chamotté, ©Levasseur

En Bourgogne, elle découvre « la beauté âpre, l’équilibre dans l’espace de la roche de Solutré, le goût pour la préhistoire, l’art roman à Tournus, Cluny…»

L’exposition « Le toucher de la terre » explore l’ancrage territorial de l’artiste. Jacqueline Bouvet passe son enfance et sa jeunesse à Mâcon, région où de nombreux ateliers produisent des objets usuels, notamment ces magnifiques cruches en terre vernissée qui étaient alors dans l’espace domestique. Elle découvre « la beauté âpre, l’équilibre dans l’espace de la roche de Solutré, le goût pour la préhistoire, l’art roman à Tournus, Cluny ou les ocres colorées des fresques romanes de Berzé-la-Ville » comme l’évoque avec sensibilité Eric Moinet, conservateur général du patrimoine.

Dominique Dendraël

Jacqueline Lerat, voies du sacré (image 4-5-6)

1- Lettre de Jacqueline Lerat au sculpteur Maxime Descombin, 1990

De gauche à droite : Jacqueline Lerat, Maternité, 1960, grès pyrité © Levasseur – Jacqueline Lerat, Croix noire, croix rose, c. 1980, grès surface mixte © musée hiéron

Pour en savoir plus sur Jacqueline Lerat

Jacqueline Lerat figure parmi les plus grands céramistes du 20e siècle. Elle est originaire de Bourgogne où elle a vécu de 1922 à 1943, mais sa carrière s’est déroulée en grande partie en Berry, dans le village potier de La Borne de 1943 à 1956, puis à Bourges à partir de cette date.

De 1966 à 1988, elle a mené de front l’enseignement de la céramique à l’Ecole nationale des beaux-arts et la création. Elle est restée fidèle au grès, matériau qu’elle utilise à partir de 1943. Après la mort de son mari en 1992, elle s’est entièrement consacrée à son œuvre, jusqu’à sa disparition en 2009, peu avant la cuisson de son 45e four.

Dès ses débuts, sa recherche d’authenticité l’a conduite vers l’art populaire des anciens potiers de La Borne. Sa quête du spirituel en partie liée au traumatisme de l’assassinat de son père par la milice en 1944, est probablement à l’origine de son intérêt pour l’art sacré jusqu’au milieu des années 60. Son attachement à la figuration durant cette période féconde s’est construit aux sources de l’imagerie médiévale romane et gothique et par une relecture de l’art populaire telle que l’envisageait Georges-Henri Rivière.

A partir des années 60, elle abandonne son travail au tour pour se consacrer essentiellement au modelage. Elle ne s’exprime plus à partir des années 80 que dans l’abstraction de tout sujet. Elle va au cœur de la matière et de la forme, à la synthèse du volume, du mouvement et de l’équilibre. Ces recherches, qui témoignent d’une rare ouverture à la création contemporaine, animeront sa vie entière jusqu’à sa disparition en 2009.

Eric Moinet

JACQUELINE LERAT, 2006, PHOTOGRAPHIE DE BERNARD GUILLOT

Toutes les informations pratiques pour visiter l’exposition en cliquant ici.

Commentaires
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *