A la fin du XIVe siècle, un mouvement de spiritualité chrétienne basé sur la dévotion privée se développe dans les congrégations des Pays-Bas et se généralise en Europe au XVe siècle jusqu’en Espagne. Ce courant incite à une pratique religieuse plus personnelle s’appuyant sur la prière ainsi que sur la lecture et l’étude des Ecritures. Dans ce contexte de la Devotio moderna, les images de la Passion (ou « Andachtsbilder ») jouent un rôle essentiel. Généralement de petites dimensions pour être emportées facilement, elles présentent les figures saintes dans des attitudes faisant appel à l’empathie. La diffusion massive de ces supports de dévotion demande aux artistes d’accélérer la production : ils utilisent alors le plus souvent des formats standardisés et des moyens de reproduction mécanique comme le poncif (un calque perforé permettant de reporter le modèle dessiné).
Parallèlement aux grands centres de production comme Bruxelles, Bruges et Anvers, Albrecht Bouts, fils du célèbre primitif flamand Dirk Bouts, perpétue à Louvain (Brabant) la tradition paternelle. Pour se différencier des thèmes iconographiques largement répandus, il reprend les modèles à succès créé par Dirk Bouts,- comme la Sainte Face ou le Christ couronné d’épines -, et compose cinq modèles originaux d’après le Christ de douleur. Ainsi, autour du Christ du diptyque de Luxembourg, on trouve le Christ couronné d’épines (Dijon), celui figuré sur le panneau central d’un triptyque (collection privée), l’Ecce Homo (Aix-la-Chapelle), et enfin celui du tondo (Kansas City).
Une autre image de dévotion est exclusivement produite dans l’atelier des Bouts à Louvain : celui du Chef de saint Jean-Baptiste sur un plat. La tête du saint est figurée en tondo, le support se confond avec le plat créant ainsi un véritable trompe-l’œil. Le prototype de cette deux dimensions devenant « sculpture » serait l’œuvre de Dirk Bouts et fut ensuite repris et réadapté par son fils.
A la fin du XVe siècle, les artistes des grands centres de production artistique des Pays-Bas méridionaux renouvellent leurs sujets et diffusent par exemple les Vierges à l’Enfant. A Bruxelles, quelques effigies du Seigneur sont attribuées à Colyn de Coter tandis qu’à Bruges, Hans Memling et ses émules sont à l’origine de plusieurs portraits du Christ.
L’exposition replace la question de ces supports de dévotion aujourd’hui en présentant en fin de parcours l’étude de l’œuvre vidéo de Bill Viola « Emergence », née en 2002. Inspirée de la Pietà du peintre Masolino da Panicale (v.1447) et dans laquelle le Christ mort est représentée au moment de sa Résurrection, la vidéo explore la puissance et la complexité des émotions humaines nées de ces images de dévotion. Présentée à la manière d’un retable de dévotion, dans un cadre et sur un socle, contrairement à la version originale plus monumentale, le tableau se met lentement en mouvement permettant au spectateur une forte introspection.
Bill Viola (1951): Study for Emergence, 2002, Color video on freestanding LCD flat panel. Performers: Weba Garretson, John Hay, Sarah Steben © Photo: Kira Perov
Informations pratiques
Sang et Larmes – Albrecht Bouts et les Images de la Passion
Jusqu’au 12 février 2017
Musée national d’histoire et d’art Luxembourg
Marché-aux-Poissons
L-2345 Luxembourg
Horaires et tarifs : www.mnha.lu/fr/Horaires-et-tarifs
www.mnha.lu
+352 47 93 30