En écho d’un inlassable périple qui conduisait les pas de Rodin au Louvre, au Vatican et au British Museum, il se constitue entre 1893 et 1917 un musée à la mesure de ses ambitions.
Ses centaines de fragments grecs, hellénistiques, étrusques ou romains, en marbre et en bronze, ainsi que ses vases et autres figurines en terre cuite, sont comme une réponse à sa quête d’une incessante communion esthétique avec l’art des anciens.
A la suite de Michel Ange, d’abord objet de copie, l’antique finit par incarner la part lumineuse et heureuse de l’œuvre du sculpteur.
« L’Âge d’Airain » (1877), oscille, selon les termes de Rodin entre la sage sérénité de l’antique et les tourments de l’âme que Michel Ange insuffle à ses sculptures. Rodin cherche sans cesse à aller plus loin dans l’expression des émotions. Ainsi, le point d’équilibre de ce processus aboutit lorsque l’antique disparaît tout en gardant ses qualités lumineuses pour servir son œuvre.
« Ce n’est que dans la seconde moitié de sa carrière que Rodin arriva à comprendre pleinement l’antique. Non plus l’antique reconstitué doté d’une perfection imaginaire que l’on enseignait aux jeunes artistes, mais l’antique tel qu’il est parvenu jusqu’à nous : incomplet, démembré. Dans les années 1890, Rodin supprime volontairement tout ce qui lui semble superflu afin de donner un pouvoir expressif encore plus fort aux éléments conservé. C’est que pour lui, « Le Beau est comme Dieu ! Un morceau de beau est le beau entier ».*
Cette nouvelle orientation s’affirme dans une œuvre comme « La Prière » (1909) et plus encore dans « Méditation » réalisée en 1996.
Charles Morice, secrétaire de Rodin, répondait ainsi en 1899 à l’incompréhension des œuvres de Rodin par ses contemporains : « Si le morceau ne vous paraît pas achevé réellement, c’est que vous l’avez regardé superficiellement ; ce que vous preniez pour une ébauche, regardez mieux, c’est précisément une œuvre très poussée, et c’est parce qu’elle est telle qu’elle paraît susceptible de développement ; comme la vie elle-même. » Et de le distinguer ainsi des « sculpteurs médiocres, ou de l’Institut : ils finissent, c’est-à-dire qu’ils isolent leurs œuvres de la vie […] ».
ph. Angèle Dequier
© musée Rodin, ph. Christian Baraja
C’est ainsi que le « Saint Jean-Baptiste prêchant » conçu en 1898 devient, lors de son exposition au Salon de la Société nationale des beaux-arts de 1907, « L’Homme qui marche » : le sujet sacré disparaît au profit la vie insufflée par la représentation du corps et du mouvement : « […] Mon Homme qui marche. Ce n’est pas en lui-même qu’il intéresse, disait Rodin, mais bien plutôt par la pensée de l’étape qu’il a franchie et celle qu’il doit parcourir ».
L’exposition qui met en scène le lien unissant Rodin à l’antiquité gréco-romaine depuis ses années de formation jusqu’à sa mort en 1917, permet de comprendre comment le sculpteur y a puisé «bonheur de vivre, quiétude, grâce, équilibre, raison ».
Si dans ses œuvres tardives, la source d’inspiration est désormais la seule observation de la nature pour transmettre la vie, il restera toujours ce « sentiment antique ».
*Rodin : un renouvellement des processus de création 1895-1900 par Antoinette Le Normand-Romain, issu de De la sculpture au XXe siècle sous la direction de Thierry Dufrêne et Paul-Louis Rinuy, 2001, Presse Universitaire de Grenoble.
Informations complémentaires
L’exposition a été réalisée à l’initiative de Pascale Picard, conservateur du Patrimoine, et en co-production avec le musée départemental de l’Arles antique, qui a présenté l’exposition du 6 avril au 1er septembre 2013 dans le cadre de « Marseille-Provence 2013, année capitale européenne de la culture ».
Rodin, la lumière de l’Antique, jusqu’au 16 février 2014
Musée Rodin
79, rue de Varenne
75007 Paris
T. +33 (0)1 44 18 61 10
Du mardi au dimanche
de 10h à 17h45
Nocturne le mercredi
Jusqu’à 20h45
Tarif de l’exposition
Jusqu’au 5 janvier 2014
9€ (collections permanentes et exposition temporaire)
Du 6 janvier au 16 février 2014
7€ (exposition temporaire)
Billetterie et programme
www.musee-rodin.fr