En considérant le nombre et la diversité des œuvres d’art ayant immortalisé une cathédrale, la présence d’un phénomène fondamental dans la culture franco-allemande est une évidence. Avec la redécouverte du gothique au XIXème siècle, la cathédrale, incarnation de l’architecture monumentale du Moyen-âge, réactive l’imaginaire des artistes. Elle intègre les arts, devenant un emblème d’identité nationale et source d’inspiration pour les artistes de toutes les disciplines.
Alors qu’au milieu du XIXème la France est animée par un important mouvement de redécouverte de son patrimoine, le Baron Taylor publie en 1820 le premier ouvrage d’une longue série : Les « Voyages Pittoresques« . Les lecteurs découvrent alors en illustration les principaux monuments de France. La tradition paysagiste s’en trouve revivifiée.
Au même moment est créée l’Inspection Générale des Monuments Historiques désireuse d’établir un recensement. Les pionniers de la photographie sont envoyés pour photographier les gargouilles, les sculpteurs effectuent des moulages, etc. Une première recrudescence de l’architecture gothique et médiévale apparait donc dans les arts, illustrée par l’œuvre emblématique de Charles Nègre :« Le Stryge ».
La publication de « Notre-Dame de Paris » en 1831 insuffle également une vogue médiévale et gothique. Tout comme « Faust » de Goethe en Allemagne, le roman de Victor Hugo connait de nombreuses éditions illustrées. De part et d’autre du Rhin, les formes gothiques envahissent les imaginaires.
Les Arts décoratifs sont à leur tour touchés. Le décor « à la cathédrale » se développe sous de nombreuses formes. Ces bibelots de luxe, très appréciés par l’aristocratie et à la cour, sont offerts en cadeaux diplomatiques aux monarchies d’Europe. Ce répertoire, qui se répand comme une mode, atténue la dimension politique et confessionnelle de l’image de la cathédrale.
Pendule, 1835-1850, © Les Arts décoratifs- Jean Tholance
Les paysagistes de 1830 intègrent la cathédrale dans leurs représentations panoramiques. Camille Corot, fondateur de l’école de Barbizon, accorde une place importante à cette thématique, élément statique au milieu d’un paysage bucolique. Le clocher au centre d’une composition devient récurrent dans la peinture de paysage en France et en Allemagne.
Lorsqu’à partir de 1892 Claude Monet développe sa série sur la cathédrale de Rouen, c’est au passé du monument national comme lieu de mémoire qu’il fait référence. De nombreux artistes, impressionnés par son travail s’en inspirent. La série de l’église Notre-Dame de Moret-sur-Loing d’Alfred Sisley et les deux tableaux de l’église de Dieppe de Camille Pissaro seront exposés pour la première fois face à la série de Claude Monet. Ces vues révèlent le vocabulaire gothique dans les jeux d’une lumière traitée au fil des saisons par les impressionnistes, ou encore la manière dont le monument apparait au sein de la vie urbaine.
Tout au long du XXème siècle la cathédrale continue à inspirer les artistes. Les symbolistes l’assimilent à la forêt, suivant l’inspiration de Baudelaire « La Nature est un temple où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles. » Modernes français et expressionnistes allemands exploitent tantôt le thème de l’ange, celui de la fenêtre gothique comme source de lumière, ou encore Notre-Dame de Paris en tant que symbole de la capitale française.
Si le parcours de l’exposition s’achève en 1914 avec la représentation des cathédrales mutilées, témoins d’une amitié artistique franco-allemande fragilisée, il interroge sur la place de la cathédrale dans l’art d’aujourd’hui. Traitée par Wim Delvoye comme une réflexion sur la matière et la forme ou par François Morellet comme un écho aux lumières de Monet, la cathédrale, résumé de l’élan créateur par excellence, n’a pas fini d’inspirer bon nombre d’artistes contemporains.
Informations pratiques :
« Cathédrales, 1789-1914 : Un mythe moderne » Rouen-Musée des Beaux-arts, Du 12 avril au 31 Aout 2014
De 10h à 18h tous les jours. Fermé les mardis et le 1er mai.
Gratuit et ouvert à tous exceptionnellement le 14 juillet 2014 de 10h à 18h.
Tarif plein : 9 euros.
Tarif réduit : 6 euros.
Gratuit pour les moins de 26 ans et les demandeurs d’emploi.
www.rouen-musees.fr
L’exposition se déroulera en deux étapes. La première à Rouen du 12 avril au 31 aout 2014, et la deuxième, à Cologne, au Wallarf-Richartz museum du 26 septembre au 18 janvier 2015.