William Holman HUNT, La Lumière du Monde (The Light of the World) – 1853-1854 – Huile sur toile, 125 cm x 60 cm – Keble College, OXFORD
C’est une véritable vision découlant d’une expérience très personnelle que nous propose cet artiste. Jésus se prépare à frapper à une porte envahie par la végétation et fermé depuis longtemps, illustrant la parole rapportée par le livre de l’Apocalypse : « Voici, je me tiens à la porte et frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, je viendrai lui et souperai avec lui et lui avec moi (Ap 3,20) ».
Hunt lui-même a évoqué, 50 ans après sa réalisation, le symbolisme de son œuvre : « J’ai peint cette image avec ce que je pensais, indigne que j’étais, par ordre divin, et non pas simplement comme un bon sujet. La porte dans la peinture n’a aucune poignée et par conséquent, ne peut être ouverte de l’intérieur. Elle représente l’esprit obstinément fermé. J’ai fait cette scène de nuit, éclairée principalement par la lanterne, en suivant l’explication métaphorique des Psaumes : Ta parole est une lampe pour mes pas et une lumière sur mon chemin (Ps 119, 105) ainsi que l’allusion de l’Apôtre : La nuit est passée, la journée est à portée de main ». Pour lui, l’iconographie « ne doit pas être basée sur le symbolisme ecclésiastique ou archaïque, mais dérive d’une réflectivité évidente. Les symboles sont des figures naturelles employées pour exprimer des idées transcendantales ». Pour Hunt, La Lumière du Monde crée son langage symbolique de la même manière que les hommes utilisent le langage pour exprimer des idées abstraites et spirituelles.
William Holman HUNT, La Lumière du Monde (The Light of the World) – Huile sur toile – Cathédrale Saint-Paul, LONDRES – (c) Cliché Saint Paul’s Cathedral
Ainsi, les éléments visuels les plus élémentaires ont une signification spirituelle. Les mauvaises herbes évoquent nos négligences et tous les obstacles accumulés. Le verger de l’arrière plan nous fait penser aux fruits savoureux destinés au délicat festin de l’âme. La robe sacerdotale et la chape royale que porte le Christ sont le signe de son règne sur le corps et l’âme de ceux qui l’accueillent. Le temps de l’Avent, qui nous prépare à la venue du Sauveur, nous permet de considérer tout cela avec plus d’acuité.
Le Christ est monumental, solide, signifiant ainsi qu’il est vivant pour l’éternité. Cette monumentalité contraste avec l’évocation de l’âme endormie qu’il vient réveiller et bousculer. Est-ce le crépuscule ou l’aube que nous distinguons derrière les arbres ? Ce mélange de lumières est traité avec une grande maîtrise et la figure de Jésus apparaît comme une étoile qui nous guide aux moments les plus sombres de notre existence. La lanterne que porte Jésus – lumière de la Vérité, lumière de la Parole divine (le Christ est le « Verbe ») est la principale source de lumière et se reflète sur la porte et la végétation du premier plan. Le Sauveur est la promesse d’un jour nouveau et d’une vie nouvelle si nous l’accueillons au cœur de notre vie et que notre âme endormie s’ouvre à sa présence : « Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura au contraire la lumière de la vie » (Jn 8,12).
"La Lumière du Monde", in situ – Keble College, OXFORD – (c) Cliché FCL
L’original, conservé dans la chapelle du Keble College d’Oxford a été peint de nuit dans une cabane de fortune à Worcester Park Farm, dans le Surrey. Vers la fin de sa vie, Hunt a peint une version grandeur nature, visible dans la cathédrale Saint-Paul à Londres.
Au style réaliste, Hunt combine une vision imaginative et une iconographie religieuse sous une forme accessible à tous. C’est ce qui explique la popularité presque étonnante de cette image dans l’Angleterre et l’Amérique du XIXe siècle. Ce sera le portrait le plus important du Christ à cette époque, mais aussi (parce qu’il sera largement présenté lors d’un tour du monde) une source d’influence pour nombre d’écrivains. Comme le « In Memoriam » de Tennyson, La Lumière du Monde a réussi à toucher un public large, devenant ainsi un élément de la culture populaire, comme en témoigne ce passage d’un poème de Tucker, paru dans le Times en 1855 :
a house whose door no hands disturb: – The ivy root had bit into the grain; – There had not been, or knife or hand to curb, – Where grew the rankest thing, that would attain – Its natural will.
Ce tableau a également inspiré plusieurs œuvres musicales, dont l’oratorio « La Lumière du Monde», composé en 1873 par Arthur Sullivan.
Sir John Everett MILLAIS, Portrait de William Holman HUNT