« En Signe de vie », une rencontre artistique et spirituelle au Musée du Hiéron à Paray-le-Monial

L'exposition présentée jusqu'au 30 décembre 2012 au Musée du Hiéron à Paray-le-Monial (Bourgogne) réunit trois artistes sous le titre en Signe de vie, elle interroge la notion de « signe » divin ou humain. A l'occasion de l'entrée dans les collections permanentes d'une sculpture monumentale de Thomas Gleb, une rencontre a lieu entre cette oeuvre et celles de Georges Jeanclos et Max Wechsler
Publié le 28 mars 2012

A l’origine de cette exposition il y a un sauvetage, celui d’une sculpture contemporaine de Thomas Gleb (1929-1991) conçue en 1979 pour la chapelle des Carmélites de Niort. Thomas Gleb, artiste juif ayant échappé à la Shoa, intervient dans plusieurs chantiers de lieux chrétiens dans les années 60-70. A la fin des années 1970, il réaménage à Niort le chœur de la chapelle des Carmélites. Il crée un nouveau mobilier liturgique, notamment une porte transparente destinée à recevoir le tabernacle dans laquelle il insère des éléments sculptés formant les lettres du nom de Yahvé. A proximité de cette porte, il pose sur le mur une croix monumentale en forme de Y – initiale du nom de Dieu Yahvé et du nom du Christ, Yeshoua, Jésus. Cette œuvre sera perçue par les sœurs comme une « œuvre de réconciliation » ouvrant le dialogue entre Judaïsme et Christianisme.

 

Vue de la chapelle de l’ancien Carmel de Niort, sur le mur du fond de chœur Le Signe et la porte-tabernacle de Thomas Gleb © Kyoko Kalman

Cette croix est complètement prise dans le mur, ses « bras » sont soulignés de peinture rouge, et des cordages soulignent l’aspect de couture, telle une blessure que l’on n’aurait pas correctement recousue. En 2010, les carmélites se séparent du couvent et la question de l’œuvre « murale » se pose. Menacée par un projet immobilier, elle fut sauvée grâce à la volonté de Dominique Dendraël, conservatrice du Musée du Hiéron et grâce au soutien de la ville de Paray-le-Monial.

 

Thomas Gleb, Le Signe, 1979, crépi, peinture et cordelettes, 370 x 380 x 1.5 cm
© Kyoko Kalman

Cette œuvre rejoint aujourd’hui la collection permanente du musée. Elle est placée dans la salle « sous le signe de la croix » en dialogue avec des œuvres du XIIe siècle jusqu’à nos jours retraçant l’histoire du christianisme. En complément sont également exposés plusieurs dons de la famille de l’artiste : un livre d’artiste, Le Mystérieux, et un diptyque qui présente déjà en 1968 une incision – sorte de cicatrice – et la lettre Yod qui, doublée, peut signifier Adonaï, l’un des noms de Dieu, les deux parties de l’œuvre réunies évoquant la Fraction du pain.


« Je ne saurais expliquer avec des mots la signification d’une création.
*
Je marchai dans la nuit qui enfanta la lumière.
*
Si je savais expliquer je ne créerais pas.
*
Comme la présence de tabernacle, une présence mystérieuse, au pouvoir supérieur au nôtre, nous habite, elle ne se manifeste à travers nous que si nous écartons notre savoir, notre pouvoir, notre volonté, qui ne sont que des bornes, et orgueil. Et que si nous savons créer le vide.
*
“Dieu créa l’homme à Son image” signifie qu’Il le créa CREATEUR, que par là même définissait sa raison d’être, sa mission : créatrice.
»
…/…
Thomas Gleb, extrait d’un texte écrit pour l’inauguration de la chapelle de Niort en 1979


Pour célébrer cette nouvelle installation de la croix de Thomas Gleb, le musée présente les œuvres de Georges Jeanclos (1933-1997) et de Max Wechsler (né en 1925). Ces installations supplémentaires entre en résonance avec le « Signe » de Thomas Gleb.

Une quinzaine d’œuvres en bronze et en terre cuite de Georges Jeanclos dessinent un parcours dans les galeries du musée du Hiéron, en prenant, temporairement, la place d’autres objets. Le visiteur pourra reconnaitre quelques grandes figures bibliques et hébraïques telles que Moïse ou Jacob. Une terre cuite de la Vierge à l’Enfant créée pour la cathédrale Notre-Dame de la Treille à Lille est également visible. On peut apprécier toute la virtuosité du sculpteur dans ses terres cuites parfaitement conservées…

 

« Du bout des doigts, rapprocher ou écarter en figures modelées, quelquefois travailler de l’intérieur pour redonner la parole à la sculpture, est-ce cela le sacré ?
Donner forme à la matière, faire parler la matière, pareille à un miroir qui nous renvoie une image où chacun se retrouve et s’implique.
»
Georges Jeanclos, lettre à Bernard This, août 1996

Au sous-sol du musée une salle et un cabinet intimiste sont consacrés à Max Wechsler. Cet artiste fonde sa recherche artistique sur l’écriture. Les travaux présentés à Paray-le-Monial soulignent l’apparition et l’effacement de la lettre, entre ombre et lumière. Max Wechsler s’intéresse à la lettre pour son aspect typographique, sa forme, sa densité. Il découle de ses œuvres un rythme parfois soutenu, parfois plus calme, presque une « danse » de la lettre…

 

Max Wechsler, Esquisse, 2012. Photo Christine Fleurent

 

La lettre…
« La lettre m’intéresse pour son aspect typographique, sa forme, son inclinaison, sa densité. Mon projet consiste
à défaire la lettre de sa fonction : l’écrit. Procédant à sa transformation, je la fais éclater pour n’utiliser que ses particules : un contour, un trait, une courbe. Ainsi les fragments de la lettre convertis en signes seront disposés sur une feuille de papier, puis collés en fonction d’un rythme, d’une lumière interne. Le module de départ sera photocopié en nombre. Le recouvrement d’une surface peut alors commencer. L’illisibilité s’empare de l’espace. Cependant il émanera toujours quelque chose de son origine écrite. La lettre sans cesse transformée, déstructurée, résiste, se révèle indestructible. D’autres représentations apparaissent ; la lettre devient son Autre.
Il me plait d’associer ainsi la part de ce qui sera ignoré à jamais de celle qui, par ailleurs, demeurera indélébile. Cette métamorphose renforce l’omniprésence de la lettre qui récuse sa disparition. »

Max Wechsler, 2002

Avec cette exposition et l’acquistion de l’œuvre de Thomas Gleb dans ses collections permanentes, le Musée du Hiéron, qui appartient à la ville de Paray-le-Monial, continue de porter son attention sur la relation entre art contemporain et patrimoine religieux.

Pour la conservatrice du Musée Dominique Dendraël, les objets d’art religieux présentés dans le musée servent d’introduction à l’art contemporain exposé près d’eux. Il y a bien un échange riche et fructueux entre des œuvres anciennes et d’autres contemporaines.

Le Musée, fondé à la fin du XIXe siècle autour du thème de l’Eucharistie, bénéficie d’une collection très importante d’objets d’art religieux. Livres, reliquaires, crucifix, peintures, sculptures sont présentés avec une grande sensibilité pour leur fonction d’origine. Ainsi, une attention toute particulière est portée à l’accueil des scolaires dans le but de transmettre aux générations futures le sens de ces objets religieux.

Informations pratiques :

Musée du Hiéron
13 rue de la Paix 71600 Paray-le-Monial
Tél. 03 85 81 79 72
musee.hieron@mairie-paraylemonial.fr

Horaires
Tous les jours (sauf lundi) de 10h à 12h et de 14h à 18h
En juillet et août, tous les jours de 11h à 18h

Tarifs
4 € plein tarif | 3 € tarif réduit
Gratuit pour les moins de 18 ans
Accueil de groupes sur réservation

Accès
• en voiture : RN7 direction Nevers puis Mâcon ou autoroute A6/E15 sortie Mâcon, direction Charolles
• en train : à 2h15 de Paris en TGV, arrêt Le Creusot-Montchanin, correspondance assurée par navette jusqu’à la gare de Paray-le-Monial (à prendre avec le billet SNCF) | à 1h15 de Lyon par TER

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