Est-c’est un défi que se lance à elle-même la Cité de l’Architecture et du Patrimoine en traitant le vécu de l’itinérance sous l’angle du bâti ? L’exposition prend la forme d’un parcours jonché de centaines d’images et de plans de bidonvilles, de tentes, de caravanes, de bateaux… tout montés sur des échafaudages mobiles drapés de bâches de plastiques qui rappellent des baraques de fortunes, ou sur des murs grillagés qui évoquent les démarcations de frontières.
Quasi-encyclopédique dans sa démarche, l’exposition vise à cataloguer la diversité dans le vécu de la mobilité humaine et rappelle qu’il n’y a pas qu’une seule façon d’habiter le campement. D’ailleurs, il semble qu’il y en aurait six : nomades, voyageur, infortuné, exilé, conquérant, contestataire.
Certains, tels les infortunés, sont contraints à vivre dans des conditions éphémères ; d’autres élisent un mode de vie nomadique. Dans un contexte de pauvreté, le campement est insalubre et dangereux ; mais l’habitation mobile peut aussi exprimer le luxe et la richesse, ce que véhiculent les photos de méga-yachts amarrés dans les ports de la côte d’azur.
Ça peut paraitre léger de juxtaposer la vie des habitants de la « jungle » de Calais avec celle de vacanciers aisés. Mais l’exposition rappelle que cette légèreté tient d’une mode dans les loisirs des bourgeois, qui sont friands d’imiter les codes des habitants des espaces liminaires de la société. Ainsi, nous apprenons que les roulottes gitanes furent appropriées par les parisiens du XIXe pour des escapades champêtres, précurseurs des camping-cars actuels.
Face à la riche diversité des modes de vie et des styles d’habitations offerte à ceux qui ont jeté l’ancre, certains visiteurs sédentaires sortiront peinés de retrouver la banalité quotidienne de leur condition immobile. D’autres seront confortés de retrouver leur 40m2 sur cour.
Et l’architecture dans tout ça ? Entre les savoir-faire ancestraux des peuples nomades, les procédés industriels pour les camps du HCR, et le bricolage de récupération dans les bidonvilles, se dessine un défi pour l’architecture contemporaine : donner forme à l’espace habité dans des contextes ou les humains deviennent (ou redeviennent) de plus en plus mobiles.
Il y aura toujours des grands projets architecturaux pour distraire les pontes de la finitude de leurs existences. Mais face aux réalités environnementales, économiques et politiques de ce nouveau siècle, le grand projet de l’architecture est de trouver des nouvelles manières d’occuper l’espace : moins destructrices pour la biodiversité, moins cloisonnées entre les individus et les communautés, plus modulables en termes d’aménagement.
La richesse de cette exposition est d’abord de présenter les solutions qu’inventent les habitants eux-mêmes à ces impératifs. A l’architecture d’approfondir ces solutions à-travers sa science pour améliorer les conditions d’existence dans tous les campements.
informations pratiques
Habiter le campement
Architectures de nomades, de voyageurs, d’infortunés, d’exilés, de conquérants et de contestataires
jusqu’au lundi 29 août 2016 à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine
1 Place du Trocadéro et du 11 Novembre, 75116 Paris – horaires et tarifs: www.citechaillot.fr/fr/infos_pratiques
Alexis de la Ferrière, Chargé de communication, SNPMPI – La Pastorale des Migrants