La tendance actuelle remarquée dans certains musées est au « dépoussiérage » d’un sujet biblique qui a longtemps inspiré les artistes à travers les siècles, pour le faire entrer en résonnance avec l’art et le monde d’aujourd’hui. L’an passé le musée Condé de Chantilly nous parlait du Massacre des Innocents, du tableau éponyme de Poussin jusqu’aux Unes des grands journaux français devant les horreurs de l’actualité. Cette année, le Musée de l’image de la Ville d’Epinal rajeunit un épisode concomitant, celui de la Fuite en Egypte. En effet, c’est suite à la décision du roi Hérode, craignant l’avènement d’un nouveau roi des Juifs, de massacrer tous les enfants de moins de deux ans, que l’Ange Gabriel demande à Joseph d’emmener Marie et Jésus en Egypte pour les cacher.
Un thème cher à l’imagerie populaire
Dans la France catholique des XVIIIe et XIXe siècles, les premières images populaires sont religieuses. On accroche aux murs des maisons les saints familiers, les crucifix de papier, les scènes tirées des Évangiles, celles que l’on voit dans les églises et que tous connaissent… S’inspirant souvent de peintures savantes, de Raphaël, Cigoli, Rubens, Seghers ou Le Brun, les images sur le thème de la Fuite en Égypte des multiples centres imagiers de la collection, Augsbourg, Paris, Caen, Strasbourg ou Épinal… montrent l’étonnante porosité entre les iconographies savantes et populaires. Appréciés pour leur humanité, leur fragilité et la solidarité familiale dans les épreuves, les représentations de la Fuite en Egypte sont nombreuses, dans toutes leurs déclinaisons (le Repos, le retour en Galilée, la Sainte Famille…).
L’idéal de la Sainte Famille
L’épreuve de la Fuite fortifie la famille et en révèle chacun de ses membres. Joseph, l’époux de Marie, est la figure solide du père, garant de la sécurité de celle-ci et de son Enfant. Il faut attendre le début du 17e siècle pour que, dans l’iconographie, il apparaisse comme un père attentif et aimant, un modèle de fidélité et de courage. Les images montrent désormais une complicité affectueuse entre le père et le fils qu’il porte dans ses bras.
Marie quant à elle, a vu son culte se développer à partir du XIe siècle, à partir des apocryphes, plus diserts sur sa vie que les Evangiles. Les fidèles compatissent aux sept angoisses que lui donne son fils, symbolisées par sept épées dans son coeur, peu à peu remplacées par sept médaillons qui illustrent ses douleurs. Parmi elles, la Fuite en Égypte raconte la peur de la jeune mère pour son enfant, sa douleur de devoir abandonner son pays, appelant la compassion des croyants touchés par sa détresse et pouvant ainsi s’identifier à elle.
La scène du repos pendant la fuite en Egypte est propice quant à elle à la représentation d’une complicité familiale. Dans ces moments de paix, hors du temps et sans angoisse, Marie, Jésus et Joseph deviennent des humains comme les autres : les parents jouent avec l’enfant et le regardent avec tendresse. De son côté et grâce à ses miracles, Jésus les réconforte en les nourrissant et les abreuvant.
Fuir pour la vie sauve
Au-delà des représentations traditionnelles de la Fuite en Égypte, le thème met en scène des personnages humains et sensibles auxquels on peut s’identifier ; il parle de peur, du déchirement de devoir tout quitter pour avoir la vie sauve, de voyage éperdu. Mais aussi, de chaleur familiale, de bienveillance ; il touche et émeut. Regarder comment la société a considéré et aimé ce thème nous fait le portrait de cette même société. Et il a été largement représenté et aimé tant dans la peinture savante que dans l‘imagerie.
Tirage couleur argentique c-Print contrecollé sur aluminium encadré sous verre.
© Courtesy et Collection Galerie Les filles du calvaire, Paris
Le thème de la Fuite en Égypte est intemporel. Depuis toujours et aujourd’hui encore – plus que jamais – le sujet de la migration est d’actualité. Il semble que les mots fuite, détresse, peur, déplacement, n’ont pas fini d’apparaître dans nos journaux et de questionner les artistes.
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