L’ouvrage se développe en trois grandes parties : l’historique de la revue, les directeurs et les projets architecturaux d’envergure et la querelle des années 1950 avec une attention toute particulière au positionnement de la revue dans les débats liés à cette affaire que l’histoire a gardé sous le nom de « Querelle de l’art sacré ».
Dès les premières pages de l’ouvrage, le lecteur prend la mesure du rôle de la revue dans les débats artistiques du XXème siècle. La revue L’Art sacré émerge dans un contexte social et politique difficile, cependant beaucoup d’intellectuels s’engagent dans les débats publics et plusieurs revues apparaissent telle que la revue Esprit en 1932.
Pour bien comprendre les enjeux de L’Art sacré, François Caussé donne un état des lieux de l’art religieux au XXème siècle en France qui se caractérise par l’émergence de plusieurs groupements d’artistes et d’intellectuels souhaitant un renouvellement de l’art d’église en réaction à l’art dit « sulpicien » de la fin du XIXème siècle. Parmi les différents groupes qui font le vœu d’une renaissance de l’art religieux, l’auteur met en avant, la « Société de Saint Jean », fondée en 1872 qui publie à partir de 1889 une revue sur l’art et l’archéologie, elle organise également des congrès d’art chrétien à partir de 1895. La « Société de Saint Jean » participera à la revue L’Art sacré ainsi qu’aux « Chantiers du Cardinal ».
Françoise Caussé nomme aussi « les catholiques des Beaux-arts » : groupement d’artistes, pour la plupart étudiants, important mais sans organisation précise. Il fut fondé en 1909 par l’architecte Pierre Regnault comme un « groupement corporatif moral et religieux ». La plus connue des organisations artistiques religieuses du début du XXème siècle sont « Les Ateliers de l’Art sacré », fondés par les artistes Maurice Denis et Georges Desvallières à l’automne 1919. Le Père Couturier sera l’un des étudiants des « Ateliers de l’Art sacré ». La formation s’organise autour des ateliers artistiques et de temps liturgiques. Faute de commandes suffisantes pour assurer l’intendance, les « Ateliers de l’art sacré » vont disparaître au milieu des années 30.
C’est dans cette volonté de proposer de nouvelles formes pour l’art religieux et de nouvelles réflexions sur les rapports entre l’art et la foi que la revue L’Art sacré est fondée en 1935 par le Père Joseph Pichard. Dès ses premières années, la publication s’impose par son caractère militant. L’abonnement est peu cher car il s’agit de proposer au plus grand nombre différents articles sur des sujets variés : architecture, peinture, sculpture, théâtre, musique, cinéma, littérature, liturgie… En 1937, les Editions du CERF en prennent la direction. La revue s’ouvre aux questions de l’art contemporain et à celles de la sensibilisation du clergé aux formes artistiques nouvelles.
La revue s’arrête pendant la guerre et reprend en 1945 sous la direction de deux frères Dominicains qui lui donneront ses lettres de noblesse : le Père Marie-Alain Couturier (1897-1954) et le Père Pie-Raymond Régamey (1900-1996). Les reconstructions d’édifices religieux après la Seconde Guerre mondiale permettent aux artistes contemporains d’investir les lieux de culte. A partir des années 1950, la revue met en valeur de grands chantiers d’art sacré tels que Vence, Assy ou Audincourt, les rédacteurs en chef souhaitent éduquer le clergé et les fidèles à l’art de leur temps.
La grande querelle de 1951 autour du Crucifix de Germaine Richier se traduit dans la revue par de multiples articles reprenant les débats autour des questions de la figuration et de la représentation du Divin. En 1954, la revue change de direction suite au décès du Père Couturier et à la démission du Père Régamey. Sur cette période très féconde pour l’art sacré en France, Françoise Caussé propose une étude approfondie avec la publication des lettres échangées entre les deux hommes pour définir les sujets, les orientations éditoriales etc…. L’auteur a pu également réaliser plusieurs entretiens avec le Père Régamey entre 1991 et 1993, ce qui donne une richesse toute particulière à cet ouvrage.
L’auteur revient en détails sur les grands chantiers architecturaux des années 1950 ainsi que sur le positionnement de la revue lors de la « Querelle de l’art sacré ». L’ouvrage contient également de riches biographies des principaux protagonistes de la revue ainsi qu’un index important et une partie documentaire qui illustre l’histoire de la revue et de ses auteurs.
L’ouvrage propose de retracer l’histoire de l’art religieux au XXème siècle à travers l’histoire de cette revue qui marqua profondément les milieux ecclésiastiques, artistiques et intellectuels de l’époque.
L’auteur
Françoise Caussé, professeur agrégée d’Arts plastiques, docteur en histoire de l’art.Elle a enseigné dans les Ecoles normales d’instituteurs de Douai et de Mont-de-Marsan, puis à l’Institut universitaire de formation des maîtres d’Aquitaine. Elle est également membre de la Commission Diocésaine d’Art Sacré d’Aire et Dax.
Informations pratiques
Françoise Caussé
La revue « L’Art sacré », le débat en France sur l’art et la religion (1945-1954)
Editions du CERF
280 pages – 58 euros
ISBN 978-2-204-08891-6
Edition juin 2010