Pour bien la comprendre il convient de remonter le temps pour nous placer en 1885. Maurice Denis (1870-1943) a 15 ans quand il écrit dans son journal : {« Oui, il faut que je sois peintre chrétien, que je célèbre tous ces miracles du Christianisme, je sens qu’il le faut. »}
Force et patience
Maurice Denis répondra à cette vocation par sa vie, son travail, ses rencontres. A ses débuts à Paris, où avec Sérusier il fait partie du groupe des « Nabis » qui réunit les peintres inspirés par la fameuse leçon donnée par Gauguin au Bois d’Amour. Puis, plus tard, quand il aura tourné la page du symbolisme pour celle d’un nouvel ordre classique. Avec comme personnage phare, le Grand Cézanne.
En quoi Maurice Denis s’est-il montré chrétien dans sa peinture ?
La réponse la plus rapide serait de dire que ses nombreux tableaux sont là pour l’attester. Depuis « Le Christ vert » qu’il peint en écho au « Christ jaune », jusqu’à « La résurrection de Lazare » qui a pour cadre une carrière de granit de Ploumanach, l’artiste se réfèrera constamment à la vie de Jésus.
Mais se limiter à cette seule source serait passer à côté d’une œuvre immense, et être aveugle et sourd au témoignage exceptionnel d’un homme passionné d’art et de foi, qui ne se laissera jamais enfermé dans une Ecole.
Maurice Denis appliquera aux périodes successives de sa peinture un même credo, publié en 1890 dans un article de la revue « Art et critique » : {« Se rappeler qu’un tableau – avant d’être un cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote – est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. »}
L’expression « force tranquille » ne serait pas sous embargo publicitaire, que nous la choisirions pour désigner l’œuvre du peintre, tant les vertus de force et de patience se trouvent être en dialogue, sans que l’une s’impose ou s’efface dans l’apparition même du tableau.
Dans la lumière
Qu’il s’agisse de l’image de l’épouse tant aimée Marthe la bien nommée, d’une vue de Plougrescant, ou de la course aux canards, la peinture de Maurice Denis est celle d’un homme qui ne cesse de bénir Dieu pour ce qu’il voit et reçoit. Malgré les épreuves de la vie. C’est en cela qu’on peut dire que le peintre est chrétien.
Point n’est besoin de chercher midi à 14 heures quand tout est donné à toute heure. Nul n’est abandonné à sa solitude, mais invité aux noces. Celles des bretonnes à la mare (qui font la couverture de l’affiche), celles des processions sous les arbres, celles des colonies de vacances, des plages, et des baignades au pardon de Ste Anne la Palud.
En filigrane des œuvres exposées, comment ne pas entendre les paroles de Jésus dans l’évangile de Luc quand il appelle ses disciples à contempler la beauté du monde. {« La vie vaut plus que le vêtement, et le corps plus que le vêtement. Voyez les corbeaux … Voyez les lys des champs, ils ne filent pas, ils ne tissent pas. Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’était pas habillé comme l’un d’eux »} (Lc 12,24.27.)
Maurice Denis ouvre toutes grandes les portes du Royaume Caché qui est à côté de nous pour que nous y plongions comme lui. Jusqu’à être immergés dans la lumière.
« Il faut que je sois peintre chrétien »
L’exposition de 2009 montre que ce pari fait à 15 ans par Maurice Denis aura été tenu au fil du temps. Au point que l’œuvre ici montrée rayonne de beauté dans ce musée de Pont-Aven. Pour le bonheur de son conservateur Estelle Guille des Buttes – Fresneau, comme pour le plaisir de tous les visiteurs.
Père Jean MARC, Commission diocésaine d’art sacré
Texte paru dans Eglise en Finistère
Pour en savoir plus
Deux expositions ont eu lieu durant l’été 2009. L’une au Domaine départemental de la Roche Jagu à Ploézal, l’autre au Musée des beaux-arts de Pont-Aven