Le soleil ne se couche jamais sur les vitraux Loire » – Jacques Loire
C’est en 1926, à la suite d’une rencontre avec Georges Merklen, maître-verrier de la cathédrale de Chartres, que Gabriel Loire est initié aux techniques traditionnelles de création de vitraux chez les Ateliers Lorin. D’abord assistant, il devient dix ans plus tard associé et crée ses premiers vitraux, dont deux dédiés à Saint Fulbert pour la crypte de la cathédrale de Chartres. Quelques années après, lorsqu’il quitte les Ateliers, une clause de non-concurrence le contraint à se tourner vers d’autres formes de création tels que l’art de la mosaïque, le dessin, la sculpture, les meubles, l’orfèvrerie, les décors d’églises ou encore les illustrations d’ouvrages pour enfants. S’il manifeste un certain talent dans ces domaines – il participera à plusieurs expositions et salons d’art religieux organisés au musée Galliera, à l’Hôtel des Ducs de Rohan ou au musée des beaux-arts de Rouen et deviendra membre de la Société nationale des beaux-arts de Paris – c’est dans l’art du vitrail que l’artiste excelle et innove.
Au travers d’une commande destinée à l’église des Aix-d’Anguillon, en 1930, il s’appuie pour la fabrication de ses vitraux sur une nouvelle technique consistant à utiliser une dalle de verre et à introduire de petits morceaux de verre séparés par des baguettes de plomb. Cette technique apporte dès lors un souffle de renouveau dans l’art du vitrail car contrairement aux verres fins sertis au plomb utilisés dans les techniques traditionnelles, la dalle de verre a une épaisseur variant entre deux et trois centimètres et est taillée et sertie dans un réseau de ciment ou de mortier de résine époxy, ce qui permet de réaliser de véritables murs de lumière, plus solides que les vitraux anciens mais tout aussi éclatants de couleurs et de lumière.
En 1946, désireux de monter son propre atelier et de se spécialiser dans cette technique, il rachète un local situé dans la ville de Chartres, cité du vitrail. Deux ans plus tard, il déménage à Lèves dans une ancienne propriété datant du XIXe siècle qu’il réaménage à cette occasion en plusieurs petits bâtiments dédiés à une étape du processus de fabrication des vitraux dont le travail de la dalle de verre, de la coloration ou encore celui de la coupe. Il conçoit également des petits espaces de bureaux et appartements pour accueillir les artistes avec qui il souhaite collaborer pour la création de ses œuvres.
Maître-verrier désormais réputé, Gabriel Loire répond, avec son fils Jacques devenu maître-verrier lui aussi, à de multiples commandes provenant d’églises endommagées par la Seconde Guerre mondiale. Leur savoir-faire et leur créativité les conduisent à dessiner et réaliser des vitraux alliant modernité, graphisme et luminosité tels que ceux en dalle de verre composés de figures géométriques blanches et orangées à l’église de Fossé, dans le Loir-et-Cher, ou l’immense vitrail en dalle de verre situé dans l’église de Saint Denys à Vaucresson dans les Hauts-de-Seine et reprenant comme thématique des décors végétaux, ou encore cet exceptionnel vitrail en dalle de verre de couleur translucide que l’on peut admirer à l’Église Notre-Dame de la Pentecôte, sur le site de la Défense, en région parisienne.
La renommée des Ateliers Loire dépasse rapidement les frontières du territoire national et de nombreuses commandes émanent d’autres églises situées cette fois-ci en Allemagne, aux États-Unis, au Chili mais aussi au Maroc. En 1959, Gabriel Loire crée pour l’église du Souvenir à Berlin une paroi de 2200m2 de dalle de verre composée de carrés identiques au coloris bleu, jaune et rouge.
En 1975, à Dallas, il réalise pour la chapelle Thanksgiving Square, un toit ponctué de petites baies de vitraux alignées en forme de spirale.
En 1970, il laisse la direction de l’atelier à son fils Jacques. Pour autant, il ne peut se résoudre à abandonner son art et continue de s’illustrer au côté des plus grands artistes peintres dont Joan Miró, avec qui il réalise, d’après une de ses toiles, une fresque en mosaïque pour l’Université de Wichita, au Kansas, en 1977.
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Aujourd’hui tenus par Hervé et Bruno Loire, petits-fils de Gabriel Loire, les Ateliers, qui emploient une dizaine de salariés, continuent d’allier fabrication traditionnelle du vitrail et recherche de nouvelles techniques afin d’adapter les vitraux aux exigences des bâtiments contemporains. Des techniques s’inspirant de l’industrie verrière, comme celles du thermoformage, du feuilletage résine et de l’assemblage en double vitrage, y sont travaillées quotidiennement et les œuvres réalisées par les Ateliers sont aussi bien destinées aux églises qu’aux bâtiments civils et aux particuliers.
On retiendra plus particulièrement celles se trouvant au restaurant Le Glamour, à Saint-Malo, où l’on peut déjeuner sous une superbe coupole en vitrail, réalisée par Jacques Loire, ou bien à l’agence financière de bassin Loire Bretagne où rayonne une somptueuse paroi bleue en dalle de verre, également créée par lui.
D’autres collaborations avec des artistes contemporains, dont notamment François Morellet, Pierre Le Cacheux, Jean-Paul Albinet, Pierre Buraglio ou encore Robert Combas, continuent de voir le jour en France et à l’international.
Enfin récemment, la Chapelle Saint Bernard de Montparnasse, située à Paris, a commandé à Jacques Loire un vitrail de façade devant représenter « Le Christ accueillant ». Là encore, le maître-verrier a fait appel à une technique spécifique, celle du verre antique serti de plomb, afin de rendre son œuvre visible de l’intérieur comme de l’extérieur. Les vitraux Loire n’ont donc pas fini d’attirer notre regard et de sublimer le cadre dans lequel ils s’insèrent… d’autant que la quatrième génération Loire semble déjà prête à prendre la suite.
Cécile Corne, médiatrice culturelle
Pour aller plus loin…
Les maître-verriers Loire vous ouvrent les portes de leurs Ateliers pour une visite d’une heure, du lundi au jeudi, sur réservation, pour les groupes jusqu’à quinze personnes. Des visites gratuites sont également proposées aux particuliers, chaque vendredi, sur réservation, à partir de 14h30. Pour plus d’informations, consulter le site de l’Office de tourisme de Chartres.
Les vitraux Loire vous donnent aussi rendez-vous à la Galerie du vitrail, située au pied de la cathédrale de Chartres ainsi qu’au musée des beaux-arts de Chartres, où une salle est consacrée aux peintures de Gabriel Loire.
Enfin, un très bel ouvrage consacré à la vie de Jacques Loire et de son œuvre, co-écrit par Jean-Pierre Deremble et Jacques Loire est actuellement en projet. Cette monographie reprendra l’ensemble des projets menés par Jacques Loire depuis son arrivée aux Ateliers.
Expositions à venir et à voir
Du mercredi 20 mai 2015 au lundi 21 septembre 2015, la Cité de l’architecture & du patrimoine présente une exposition consacrée au renouveau de l’art et la technique du vitrail depuis les années 1945. Une magnifique occasion de (re)découvrir l’histoire du vitrail au travers de 130 œuvres réalisées par les artistes majeurs de la seconde moitié du XXe et du XXIe siècles dont, entre autres, Chagall, Kim En Joong, Ettl, Garouste, Matisse, Rabinowitch, Raysse, Rouault, Soulages, Viallat, ou encore des œuvres de peintres verriers créateurs tels Fleury, Mauret, Rousvoal.