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Jean-Baptiste Ambroselli, petit-fils de… George Desvallières

Voici un hommage printanier à Jean-Baptiste Ambroselli (1934-2020), disparu tout récemment, le 18 février dernier, avec cette visite d'atelier publiée en 2016... Premières lueurs de printemps en ce début d’avril, un tapis de pâquerettes égaye la prairie devant la maison. Et quelle maison ! L’atelier de son grand-père, George Desvallières, à Saint-Fargeau. Certes, aménagé, augmenté, rendu habitable depuis les années soixante, mais atelier tout de même où trônent encore quelques œuvres de l’aïeul. Jean-Baptiste Ambroselli s’avance pour m’accueillir. Nous nous connaissons depuis une bonne vingtaine d’années et j’aime suivre l’évolution de son travail au gré des commandes et des expositions. Autour d’un bon café la conversation s’engage.
Publié le 11 avril 2016

 

L’accueil

 

 

 

Jean-Baptiste Ambroselli : Au début des années 30, pour la réalisation de ses fresques en Alsace, George Desvallières s’est fait aider par deux jeunes peintres, Gérard Ambroselli et Pierre Isorni. Ses filles venaient également donner un coup de main, c’est ainsi qu’elles ont rencontré ceux qui sont devenus leurs maris. Et ma mère, France Desvallières a épousé mon père en 1932.

 

L’ATELIER AVANT 1960

Michel Brière: Ton père était donc peintre ?

J-B.A : Oui, et aussi mon oncle Pierre Isorni. Mon père, lui, m’a appris à tailler les crayons et à regarder les maîtres : Poussin, Chardin… Sa passion pour la peinture passait par l’enluminure médiévale, la Renaissance italienne et s’arrêtait à Corot.

Mon oncle, lui, m’a initié à Braque et Matisse. Et puis il y a eu une rupture quand j’ai commencé à m’intéresser à la seconde Ecole de Paris : Bazaine, Manessier, Bissière et Tal Coat. Après, j’ai volé de mes propres ailes, toujours en quête de… (silence) tu vois, la Peinture, le mystère des choses.

Souvenirs du grand-père

Mon grand-père, quand j’étais gamin, nous organisait des concours avec mes cousins ; il ne donnait pas de notes, mais des conseils. Je me souviens d’une aquarelle, en 48, avec deux superbes arbres qui m’avait valu : « Ton vert, il n’est pas en rapport… » Je l’ai gardée, tu veux la voir ? Mais c’était un homme très chaleureux, jamais indifférent. Ma grand-mère disait de lui : « il est comme un ballon, heureusement que je suis là pour le retenir sinon, il s’envolerait ! »

Nous feuilletons de vieux albums de photos. Je découvre Desvallières sur son lit de mort revêtu de l’habit Dominicain du Père Couturier, ancien élève des Ateliers d’Art Sacré. La mort, au front en 1915, de son fils Daniel – à 17 ans – avait éprouvé sa foi. Entré dans le tiers-ordre dominicain dès avant la guerre, il avait une grande exigence dans la relation de sa peinture au Christ : « Le visage authentique du Christ, le pittoresque historique ne m’intéresse pas. Le véritable Christ, c’est dans notre cœur que nous le trouvons. Nous sommes en lui, et il est en nous… »


Pourquoi l’arbre, 2004 Comme une porte ouverte sur le mystère, grâce au visible rejoindre ce qui ne se voit pas

M.B Quand tu as restauré les peintures murales de la chapelle saint Yves, tu disais avoir senti au bout de tes pinceaux cette inextricable alliance qu’il vivait entre son art et sa foi, et également au point de vue pictural le sens des rythmes de la nature, comme chez le Tintoret qu’il appelait « mon cher Tintoret ».

J-B.A L’autre dimanche j’entendais l’épitre aux Philippiens : « une seule chose compte, oubliant ce qui est en arrière, tendu de tout mon être en avant, je cours droit au but… » ça, c’était mon grand-père.


 

Dans l’atelier

Nous passons dans l’atelier. Il me montre ses dernières aquarelles et des toiles plus anciennes accrochées au mur. Françoise Perrot écrivait déjà en 1992 : « Jean-Baptiste Ambroselli est un de ces artistes pour qui peindre, c’est vivre, c’est-à-dire s’acharner passivement à cheminer vers l’absolu selon la belle expression de Bram van Velde, qui ajoute : la peinture n’est pas affaire de talent, de savoir-faire, de goût, d’esthétisme. Elle est affaire de besoin et d’intensité. » Ah la lenteur ! Il en parle lentement, à travers de longs silences. Comme il parle de la peinture, avec respect, humilité. Avec tellement de simplicité. Son amour de la poésie, Philippe Jacottet en particulier, se sent aussi dans ses mots, résurgence de sensations, échos des rythmes essentiels.

Sans titre, 2014

Je lui demande de ressortir quelques séries plus anciennes que j’aime particulièrement, ses arbres, certaines séries uniquement focalisées sur le tronc ; des falaises, des roses. Et plus surprenantes encore, celles consacrées à la danse : le Sacre du Printemps, Prélude à l’après-midi d’un faune…

Jean-Baptiste Ambroselli a réalisé des vitraux pour la chapelle du monastère Saint-Joseph des bénédictines de Brou sur Chantereine (77), pour celle de la Maison de retraite de Peronnas (01), et pour les églises de Soisy-sur-Ecole (91), d’Etiolles (91) et de Notre-Dame d’Espérance à Paris 11è sur le thème du désert (Osée 2.16). De Soisy, je garde le souvenir d’une modulation délicate de tons empruntés à « l’ange du côté où le soleil se lève portant le sceau du Dieu Vivant » (Ap.7.2).

Prélude à l’après-midi d’un faune

Serie Roses, 1991

Par la grande verrière de l’atelier, une douce lumière accompagnée du chant des mésanges me laisse un peu rêveur. L’exposition du Petit Palais aura réveillé, je l’espère, l’exigence d’une création artistique ouverte au travail de l’Esprit, au plus près de « l’essentielle mouvance » dont parle volontiers Tal Coat, ce rythme primordial qui anime la peinture de Jean-Baptiste Ambroselli.

Père Michel Brière

aumônier des Beaux-Arts et des jeunes artistes et auteur du blog L’Âme de l’Art

 

 

Chêne, 1997
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