Ce sont, d’abord, des têtes monumentales qui se dressent dans la rectitude du granit. Des statues souveraines attestant d’on ne sait quelle présence. Denis Monfleur présente à Yerres (Essonne) sa première grande exposition rétrospective et le rassemblement de plus d’une centaine de sculptures confirme la puissance singulière de son œuvre. Multiples peuvent surgir les références, exotiques, primitives, immémoriales. La sculpture -art de la troisième dimension- nous conduit vers la quatrième dimension, dans l’échelle mythique du temps, comme le suggérait Baudelaire : « la sculpture est un art des Caraïbes dont l’origine se perd dans la nuit des temps » . Mais, surtout, c’est la vitalité de la sculpture d’aujourd’hui qui s’affirme dans ces regards de pierre, dans ces visages nous invitant à un face à face étrange et décisif. Laisse-toi regarder, envisager, dévisager, semblent-ils dire, prends la mesure de ton humanité charnelle en te confrontant à notre densité, notre résistance, à notre stature.
Au sens des gazettes et des idéologies, Denis Monfleur n’est pas un moderne et son art pourrait en être dévalorisé. Mais qu’importe, son travail est assez solide depuis des années pour ne pas se laisser balloté au hasard des variations de la mode. Et son art est assurément un art d’aujourd’hui, dans son énergie singulière, dans sa violence.
Denis Monfleur est un artiste tenace et persévérant, et il est surtout un pierreux, qui sait révéler dans les replis de la pierre tous les rêves qu’il invente et les figures de notre monde qu’il observe parfois comme un caricaturiste. Son ciseau dessine en profondeur des coups de crayons qui captent le réel : tout sculpteur est ce frère voyant qui nous ouvre les yeux sur le monde qui nous entoure. Mais Denis Monfleur est plus encore un visionnaire et son Christ à la chair de granit va jusqu’à émouvoir nos cœurs de pierre, par son imposante stature. Comment Denis Monfleur transforme-t-il la pierre en présence ? Pourquoi le granit peut-il être puissance et tendresse, violence et émotion ? Et comment la pesanteur de la pierre peut-elle nous donner à voir avec une telle vérité ces corps d’anges, dansant allégrement dans l’espace ?
L’expérience réelle des œuvres exposées dans le bel espace de la Ferme ornée de la Propriété Caillebotte à Yerres permet à chacun de répondre à ces questions, en découvrant, comme le dit si heureusement Eric Darragon, cette « Sculpture qui fait face ».
Paul-Louis Rinuy
16 novembre 2010
Informations pratiques
Exposition jusqu’au 16 janvier 2011, La ferme ornée, Yerres (Essonne).
Renseignement : Service des Affaires Culturelles de la mairie de Yerres,
tél:01 69 48 93 93
Très beau catalogue écrit par Eric Darragon, Denis Monfleur, L’œuvre granit.