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Le partage des eaux, un parcours pérenne entre art et nature en Ardèche

Les musées, galeries ou centres culturels sont la plupart du temps les garants des œuvres d'art, de leur conservation et de leur présentation. C'est dans ces endroits que les visiteurs se déplacent pour les voir, les admirer, les découvrir et s'y confronter. Il n'est pas rare non plus de croiser des œuvres, bien souvent monumentales, dans les environnements urbains : qui une fontaine, qui une statue, qui une installation dans un parc ou sur un parvis de mairie. Mais cette fois, c'est sur un parcours de randonnée que vous êtes invités à découvrir des œuvres poétiques et sensibles, installées de manière pérenne et offertes aux vents, au soleil, à la pluie et à la nature.
Publié le 25 juillet 2017

Le parc naturel régional des Monts d’Ardèche est traversé depuis toujours par une ligne invisible qui délimite géographiquement le territoire en différents bassins versants. De chaque côté de cette ligne, les eaux s’écoulent dans des directions différentes. D’un côté la Loire à sa source, qui se jette dans l’Atlantique quelques centaines de kilomètres plus loin, et de l’autre, les hauts bassins d’affluents qui dévalent rapidement la pente pour rejoindre le Rhône puis la Méditerranée.

Depuis sa création en 2001, le parc des Monts d’Ardèche accompagne, guide et soutient de nombreux artistes dans tout type de projets. Cette année, pas moins de six artistes ont été invités à créer des œuvres pérennes, in situ,  sur le parcours GR7 qui longe la fameuse ligne invisible : ainsi est né ce nouveau parcours artistique qu’est le Partage des eaux.

Parcours des œuvres in situ

Stéphane Thidet

La façade de l’ancienne Chartreuse de Bonnefoy est posée en plein champ au milieu d’un paysage fort, comme une brèche cachée dans les courbes des Monts d’Ardèche. Elle évoque un joyau au milieu d’un écrin qui voudrait jalousement le garder pour lui seul. Ce fragment de façade semble tenir debout par magie, et laisse deviner l’ampleur que devait avoir le bâtiment avant sa quasi totale disparition.

Stéphane Thidet, de l’autre côté –  Chartreuse de bonnefoy, Le Partage des eaux 2017 © S.Thidet

Par une intervention assez minimaliste, Stéphane Thidet a souhaité accentuer le caractère surréel de ce site : là où se trouvaient autrefois une porte et des fenêtres sont insérés sept grands miroirs sérigraphiés. Légèrement inclinés selon des angles différents, ils reflètent le paysage qui pénètre littéralement dans les embrasures de pierre, créant une impression de transparence troublante. Cette œuvre, intitulée De l’autre côté, qui fait corps avec le bâti joue sur la transparence et le reflet du passage du temps et des saisons sur l’architecture.

Olivier Leroi

Pour traduire la grandeur du fleuve et son caractère majestueux, Olivier Leroi a réalisé, depuis un hélicoptère, un film intitulé « 1020 km » qui permet de survoler la Loire en temps réel. La durée du film (près de 8 heures) et la grandeur de l’image projetée proposent au visiteur une approche du fleuve poétique et sensible. Ce film sera visible en permanence à la Maison de site du Mont-Gerbier-de-Jonc.

Plusieurs plaques émaillées sont apposées près des sources, rappelant leur situation géographique et des éléments de faune locale. Installée à proximité de la Maison de site, une grande plaque présente la carte géographique de la traversée de la Loire. Trois plaques plus petites sont apposées près des trois sources de la Loire : l’authentique, la véritable et la géographique.

Felice Varini

L’artiste de renommée internationale Felice Varini a investi l’espace architectural de l’Abbaye de Mazan. L’œuvre « Un cercle et mille fragments » se déploie sur les murs et toits des différents bâtiments constituant l’abbaye, ainsi que sur le pont, l’auberge et les anciennes fortifications qui l’encadrent, recréant ainsi un écrin à la mesure de ce site prestigieux.

Felice Varini, Un cercle et mille fragments – Abbaye de Mazan, LE PARTAGE DES EAUX 2017 © andré morin

La ligne de partage des eaux est une zone de forts contrastes climatiques où les variations sont soudaines et les effets du soleil particulièrement variés. Aussi, pour la première fois dans sa carrière, l’artiste a choisi de travailler à la feuille d’or, minéral sur minéral, afin d’explorer les capacités de ce matériau naturel à capter les variations de la lumière sur la pierre. D’un point de vue précis, la feuille d’or dessine une trame partant d’un unique cercle parfait entouré de fragments de cercles aux espacements réguliers.

Leur support étant le patrimoine bâti – ce que les hommes ont laissé comme trace au fil des siècles – l’imaginaire poursuit la trame bien au-delà de son site, faisant de l’abbaye le point central d’un rayonnement qui pourrait s’étendre à l’infini.

Gloria Friedmann

Au Moure de l’Abéouradou, en surplomb de la vallée de la Borne, Gloria Friedmann a créé Le Phare. L’œuvre est une verticale monochrome bleue qui s’élève à plus de 7 mètres du sol, « une tour refuge qui représente à la fois l’art du trait et l’art du retrait » qui révèle un site emblématique des contrastes qui caractérisent la ligne de partage des eaux. Accessible uniquement à pied à la jonction de plusieurs chemins de randonnée (dont le GR7), l’œuvre est donc un phare commun à la mer et à l’océan, dans lequel le visiteur est invité à accéder. De l’étage d’observation, une vue à 360° s’ouvre à lui. Un banc circulaire l’invite au repos, à la contemplation et abrite une bibliothèque sur le biotope du phare, la biodiversité des environs, des romans et essais sur l’eau, des cartes géographiques…

Gilles Clément

Et si la Loire, en plus du long chemin qu’elle parcoure jusqu’à l’Atlantique, se jetait aussi dans la Méditerranée ? C’est la belle hypothèse que Gilles Clément a formulé suite à une ascension en fin d’été où il a perçu un suintement régulier en haut du mont alors qu’il n’avait pas plu depuis plus de deux mois. Il imagine alors que le Mont Gerbier-de-Jonc fonctionnerait en partie comme une « tour à eau » : un principe de piège à eau basé sur la condensation de la vapeur d’eau des nuages dans les régions désertiques. L’eau ainsi collectée se déverserait au pied du Gerbier, vers l’Atlantique et vers la Méditerranée…

Gilles Clément, Tour à eau – LE PARTAGE DES EAUX 2017 © Nicolas Lelièvre

Pour rendre visible ce principe, Gilles Clément a imaginé une Tour à eau construite en phonolithes, la roche volcanique présente au Gerbier. Sa forme évoque un phare dont le cœur est une colonne creuse. L’eau se condensant sur ses parois extérieures sera dirigée vers le creux de la tour, recueillie dans une vasque puis orientée d’une part vers la Loire, de l’autre vers le Rhône.

Huang Yong Ping

L’œuvre Courant, qui sera visible à partir de l’été 2018, s’inspire de la Santa-Maria, la plus grande des trois caravelles de Christophe Colomb à avoir traversé l’Atlantique. Immergée au bord du GR7, son armature – dont seuls les mâts et les voiles sont apparents – se déploie dans le vent qui souffle sur la ligne de crêtes. La proue est située à quelques mètres du versant méditerranéen, comme si la grande Nef était revenue d’un long périple dans le temps et dans l’espace.

Tout le monde connaît l’histoire : Christophe Colomb partait à la découverte des Indes et c’est en Amérique qu’il a accosté. Cette confusion géographique fait de l’expédition un symbole d’autant plus fort des débuts de la mondialisation. Traversée des géographies et des cultures mais aussi du choc des civilisations et des religions, l’œuvre est une ouverture vers un ailleurs. Ce principe d’universalité et de tolérance semblent particulièrement approprié à un site tel que l’abbaye Notre-Dame des Neiges.

Pour enrichir le parcours…

D’autres propositions et dispositifs viennent agrémenter le parcours artistique du Partage des eaux. Tout au long du GR7, Gilles Clément et l’atelier de paysage IL Y A ont déployés des Mires, à six endroits différents. Inspirées des techniques de relevé des géomètres, ces Mires sont conçues comme une transposition poétique des instruments de mesures aussi bien qu’un détournement de la table d’orientation classique ; elles offrent un jeu optique discret et esthétique.

Panorama avec Mires © Le parc

Le designer Eric Benqué a installé tout au long du parcours du mobilier : bancs, plateformes et abris, qui offrent des espaces de repos et de contemplation pour les randonneurs.

Le Partage des eaux s’agrémente aussi via votre smartphone : GeoPoetic Society est une application qui allie géolocalisation et poésie, en accompagnant le marcheur d’une œuvre à l’autre et en lui racontant le paysage sur sa route. Cliquez ici pour voir les instructions pour télécharger l’application.

Une programmation artistique spéciale pour l’été 2017 complète ce parcours in situ. Intitulée « Les échappées », elle réunit de nombreuses expositions et événements dans les lieux culturels de la région. Découvrir le programme des échappées en cliquant ici.

 

Informations pratiques

Parcours artistique « Le partage des eaux » sur le sentier de randonnée GR7 dans le parc naturel régional des Monts d’Ardèche.

– Les sites sont en accès libre toute l’année, mais demeurent dans les lieux naturels soumis aux intempéries et parfois
inaccessibles.
– Les accès aux œuvres sont multimodaux : à pied, à vélo, à cheval et en voiture.

La découverte des 6 œuvres in situ peut se réaliser en voiture en deux journées (80 km du Béage à Saint-Laurentles-Bains). Il faut compter 4 à 5 jours de randonnées pour découvrir l’intégralité des œuvres du PARTAGE DES EAUX le long du GR7 (de Saint-Agrève à Saint-Laurent-les-Bains).

 

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