St. Matthäus-Kirche de Berlin est le seul édifice datant d’avant 1945 sur le Kulturforum qui regroupe un ensemble de bâtiments construits dans les années 1950-60 à la limite du Mur. L’église réalisée en 1846 par August Stüler se compose de trois nefs dotées chacune d’un toit à double pente et présente une influence italienne dans l’ornementation des façades. Le statut de fondation de St. Matthäus-Kirche en fait un espace dédié à la foi et à l’art.
A la suggestion de la galiériste berlinoise Ruth Martius, Max Wechsler est sollicité en 2012 pour un projet d’exposition. Une demande différente qui nécessite de “comprendre ce qui se passe dans le lieu et d’être avec lui” ; une commande qui exige, comme toute réalisation authentique, une création en adéquation avec l’église de culte protestant ; l’intime nécessité de s’emparer des lieux.
Suite à un travail mûri de longs mois dans l’atelier parisien de la rue Poppincourt, un vaste et puissant ensemble se crée. Il est installé de septembre 2013 à janvier 2014 entre les vitraux et l’abside de l’église St. Matthäus .
Dans cet univers de silence et de symboles, les grands papiers marouflés de Max Wechsler ont pris vie et sens. Trois lés de presque quatre mètres de hauteur se déploient au-dessus de l’autel. Les deux pans extérieurs verticaux encadrent au centre un troisième plus étroit aux rythmes horizontaux. Ils forment un triptyque qui, par son ampleur, sa position, son énergie, orchestre l’ensemble. Intuitivement, l’artiste a retrouvé le point focal du maître-autel. Dix autres surfaces habitent, de part et d’autre, telles des stèles, les bas-côtés baignés de lumière blanche par la présence de baies jumelées.
Depuis 1984 où il a cessé de peindre avec des pinceaux, Max Wechsler adopte une technique de papiers déchirés, photocopiés et collés qui se recomposent jusqu’à éteindre le sens des mots. Dans une quête métaphorique des origines de la langue et de la culture, il cherche à déconstruire le langage pour n’en garder que les substantiels signes. En se libérant de la forme, il creuse le contenu. Comme un palimpseste en perpétuelle formation transparaissent les dits et non-dits du monde sous les lettres enfouies. SIGNE : Mémoire d’images est le titre de cette ample installation.
Quand on a demandé à Max Wechsler ce que la création d’un retable pouvait signifier pour lui qui se dit athée d’origine juive, il nous a répondu profondément ému que cela lui avait été offert comme “en cadeau”. Oeuvre non religieuse, sacrée, dirait-on en français. “Sacrée“ est intraduisible en allemand, il ne signifie ni “geistig” ni “sakral”, c’est une qualité spirituelle noble sui generis . Le sujet n’est pas “le religieux”, mais la présence, “présence au monde”, pourrait-on dire.
C’est en France, à Paray-le-Monial, que Max Wechsler dévoile cette autre partie de lui-même, au sein du parcours permanent du musée du Hiéron, à proximité des deux artistes juifs, Georges Jeanclos (1933-1997) et Thomas Gleb (1911-1991) depuis l’exposition En signe de vie. Car “toute oeuvre d’art peut postuler au sacré lorsqu’elle éveille à la fois des rénonances intérieures et préserve son mystère. Ainsi l’oeuvre profane peut atteindre le sacré par d’autres voies” .
Dominique Dendraël, octobre 2014
Max Wechsler expose du 14 novembre au 7 décembre 2014 à l’Hôtel Frison de Bruxelles, Rue Lebeau, 37 – 1000 Bruxelles
Horaires : Mercredi – Samedi : 13h30-18h30
Ouvertures exceptionnelles : Dimanches 16.11 et 7.12
Commissariat et organisation de l’exposition : Frédéric Guislain
1. Kulturstiftung der Evangelischen Kirche Berlin-Brandenburg-Schlesische Oberlausitz.
2. Entretien avec Max Wechsler en août 2014.
3. 3m95 x 1m90 pour les trois grands formats de l’abside, 2m x 0,70m pour les dix petits formats des bas-côtés.
4. Extraits du texte d’inauguration d’Anne-Marie Bonnet pour l’installation SIGNUM. Signaturen-Bildgedächtnis / SIGNE : Mémoire d’images de Max Wechsler à St. Mattäus-Kirche, 12 septembre 2012.
5. Etymologiquement “de son propre genre”, que l’on ne peut comparer à rien d’autre.
6. Exergue de l’artiste au catalogue d’exposition, En signe de vie, Musée du Hiéron, janvier 2012.