Associer Sciences Po, et ses 7 campus répartis à Paris et dans plusieurs régions de France, permet à l’opération du Plus Grand Musée de France de susciter un intérêt populaire dans tout le territoire. Et de démontrer ainsi que le mécénat n’est pas réservé aux seuls établissements célèbres et prestigieux.
Alors que de 2013 à 2015 les membres de la Junior Entreprise de l’Ecole du Louvre allaient seul sur le terrain dans les diverses régions françaises, les étudiants de Sciences Po fonctionnent par équipes. Chaque équipe, à Paris et en région, mène la mission du Plus Grand Musée de France : retrouver, promouvoir et financer la restauration d’une ou plusieurs œuvres d’art du patrimoine des églises rurales françaises.
Cette année, ce sont 38 étudiants, engagés dans le cadre des projets collectifs de Sciences Po, qui mènent la campagne.
L’équipe de Nancy a trouvé un mécène qui financera la restauration de deux bénitiers en pâte de verre, œuvres de Daum et Majorelle. La famille Daum, par l’intermédiaire de l’association des Amis des Cristalleries Daum s’est engagée à financer la totalité de la restauration des bénitiers présents dans l’église de Neuviller-lès-Badonviller.
Olivier Roisin, animateur du Campus de Nancy, raconte sa rencontre avec Philippe Daum, descendant de la famille : Nous avons eu de longs échanges, au cours desquels j’en ai beaucoup appris sur l’histoire de la famille et du ou plutôt des styles Daum, chaque génération ayant marqué la production de son empreinte. Les créations Daum connaissent de grands succès lors des expositions universelles de 1893 et de 1900. C’est à ce moment que triomphent l’Ecole de Nancy et l’Art nouveau. Ce dernier est ensuite concurrencé par l’Art déco et Paul Daum réoriente la production vers ce nouveau courant.
Après la Seconde Guerre mondiale, le cristal devient le matériau de prédilection de la maison Daum, toujours en quête d’innovations. Dans les années 1970, Jacques Daum collabore avec des artistes de renom tels que Dali et César. Il remet aussi au goût du jour la pâte de verre, alors oubliée depuis plusieurs décennies. La pâte de verre n’était plus utilisée à l’époque des bénitiers (années 1920) et c’est ainsi que Philippe Daum a pu m’affirmer avec certitude que nos bénitiers ne sont pas en pâte de verre mais formés de verre multicouche. Dans les années 1980, l’idée viendra de marier cristal et pâte de verre.
Le choix de l’équipe de Reims s’est porté sur une œuvre de Jean Enders : L’Incendie de la cathédrale de Reims réalisée en 1914, quelques semaines après l’incendie de la cathédrale de Reims par les Allemands. Gwendoline Houette, chargée de communication au sein de l’équipe du campus de Reims raconte le choix de s’occuper de ce tableau :
L’aspect visuellement frappant nous a immédiatement beaucoup marqués : c’est une très grande toile, assez impressionnante, qui est pour l’instant posée à même le sol dans un coin sombre de l’Eglise. Le Christ, au premier plan, occupe les trois-quarts de l’œuvre, en souffrance sur sa croix avec néanmoins un rayon de lumière, comme sortant des nuages, lui éclairant le visage. A l’arrière-plan, la cathédrale est en flamme, avec aux pieds du Christ un cimetière avec ce qui semble être un casque allemand, symbolisant l’horreur de la guerre pour les deux partis. C’est un message profondément pacifiste qu’offre cette peinture.
On ne peut comprendre l’importance de cette œuvre à Reims si on ne comprend pas à quel point l’incendie de la cathédrale a laissé une empreinte profonde chez les Rémois. Les parents, grands-parents de certaines personne avec qui nous avons pu échanger ont connu cet incendie, ont étés meurtris par cette partie de leur histoire. Cette œuvre, pour beaucoup de Rémois, renvoie à un aspect important de leur identité. Pour des étudiants de 20 ans, comprendre cela, c’est sortir de ses livres d’histoire pour voir tout un pan d’une histoire collective toujours vivace!
L’équipe du campus du Havre a concentré ses efforts sur la restauration du tableau de Léon Viardot Le Christ à la Samaritaine de l’église Notre-Dame de Gaillefontaine. Commandée en 1850 et achevée en 1859, la toile présentée au Salon fut achetée et donnée par l’empereur des Français Napoléon III. En effet, jusqu’au début du XIX siècle Gaillefontaine était une des plus grandes localités du Pays de Bray. Cela laisse supposer la faveur de l’empereur pour une localité prospère agrandie durant le XIXe en incluant successivement Saint-Maurice en 1823 et Noyer en 1825.
Preuve de l’intérêt des institutions publiques pour cette initiative citoyenne, la campagne du Plus Grand Musée de France est soutenue par le Ministère de la Culture et de la Communication, l’Association des Maires de France et la Commission nationale française pour l’UNESCO. Elle bénéficie du soutien de grands mécènes, notamment celui de la Fondation Michelin qui l’accompagne depuis plus de deux ans.
Le 28 janvier dernier, dans son bureau du Palais de l’Elysée, M. François Hollande a reçu sept coordinateurs du projet qui représentaient l’ensemble des étudiants. Antoine Gache, représentant de la Sauvegarde de l’Art Français, a présenté le projet au Président de la République.
Aux étudiants, le Président de la République a demandé tour à tour de présenter les œuvres qu’ils ont choisies pour être restaurées au cours d’une discussion d’une trentaine de minutes. Il a particulièrement insisté sur l’importance du mécénat pour la culture et sur les dispositifs fiscaux incitatifs mis en place par l’Etat. Il a aussi chaleureusement encouragé les étudiants et leur a donné quelques conseils.
La campagne 2015-2016 s’achève fin mai, d’autres étudiants prendront la relève à la rentrée prochaine. Mais difficile de passer le flambeau : nous continuerons à nous impliquer après la fin des cours, annonce Maxime Gueudet, 21 ans, coordinateur de l’équipe du Havre. Il y a désormais un lien affectif entre les étudiants et leurs œuvres.
Toutes les informations sur l’opération du Plus Grand Musée de France sur le site : leplusgrandmuseedefrance.com