« Qui que tu sois, si tu veux exalter la gloire de ces portes, ne t’émerveille pas devant l’or et la dépense mais devant la maîtrise et le travail. Lumineux est ce noble travail mais, noblement lumineux, il illuminera les esprits afin qu’ils aillent grâce à des lumières vraies, vers la Vraie Lumière dont le christ est la vraie porte. » Cette citation, qui semble coller à l’actualité, est à mettre sur le compte de l’Abbé Suger, il y a près de 800 ans. Elle révèle bien tout l’enjeu d’une création artistique dans un lieu aussi fort que la basilique Saint-Denis.
Un lieu chargé d’Histoire
Une basilique primitive est édifiée au IIIe siècle sur le lieu de la sépulture de saint Denis et de ses acolytes, Rustique et Eleuthère. Cette basilique devient au VIe siècle l’église abbatiale d’un monastère bénédictin. Peu de temps après, elle deviendra une nécropole royale. Plusieurs siècles plus tard, l’abbé en charge de ce monastère, l’illustre Suger, met en pratique une théologie de la lumière à travers l’art et l’architecture, pour bâtir ce qui sera considéré comme le premier édifice gothique. Plus récemment au XIXe siècle, le retour en grâce de cette période artistique riche est permis grâce notamment au travail de l’architecte Viollet-le-Duc, qui est à l’origine de nombreux aménagement à Saint-Denis.
Cette théologie de la lumière, à l’origine de la réflexion de l’abbé Suger, repose notamment, dans la technique, sur l’allègement des forces pesant sur les murs de pierre vers des contreforts extérieurs, permettant le dégagement de grandes baies qu’il va être possible d’orner de grands vitraux historiés. Cette alliance de la pierre et du verre, fondement même de l’église historique, est à l’origine de la réflexion de Vladimir Zbynovsky pour la création du mobilier liturgique.
Un chantier de grande envergure
Sous la conduite de Jacques Moulin, architecte en chef des monuments historiques, le diocèse confie en 2014 l’aménagement du chœur à Vladimir Zbynovsky. Il aura fallu quatre ans de réflexions et de travaux pour mener à bien ce projet, dont la pierre angulaire était l’unification du chœur, selon les orientations liturgiques du concile de Vatican II, et de la crypte médiévale, abritant la sépulture des saints. L’emmarchement a été entièrement repensé et le très beau dallage rouge et bleu néogothique, de l’époque de Viollet-le-Duc, vient sublimer l’espace.
« Recomposer le chœur de Saint-Denis, c’était retisser plus de mille ans d’histoire et d’architecture avec l’actualité d’une liturgie toujours vivante. C’est redonner un cadre et une forme aux cérémonies qui scandent la vie de la cathédrale, c’était relier une crypte longtemps abandonnée à un sanctuaire rayonnant et retrouver, face à tous, un autel profondément ancré dans le bâtiment qui l’entoure, à la fois significatif, beau et précieux. » – Jacques Moulin, architecte en chef des monuments historiques.
De pierre et de verre
Vladimir Zbynovsky associe la pierre et le verre avec une étonnante simplicité de composition : un dialogue silencieux, sans décor… ou presque. Utiliser ces mêmes matériaux qui dialoguent admirablement depuis des siècles n’était pas sans risque. L’harmonie repose tout autant sur l’apparence antinomique des matériaux : la pierre est mate, de couleur douce et blonde, tendre et fragile, elle évoque le sol, la terre ; le verre optique est d’une extrême brillance, froid et pur comme le ciel peut l’être. La pierre s’oppose au verre qui la couronne, où la lumière se révèle.
L’ambon évoque la forme du Livre, de mains ouvertes. Il accueille la Parole, lui offre un écrin de lumière. L’autel est un bloc, duquel surgit une croix qui affleure sur le verre. Cette croix est en fait l’empreinte d’une croix grecque réalisée en creux dans la pierre de l’autel ; ce travail optique crée une présence invisible forte que seule une expérience sensorielle permet d’appréhender. L’unité du chœur et de la crypte est achevée avec le vide de cette croix qui se prolonge entre les deux niveaux, permettant à la lumière de triompher de l’obscurité de la crypte.
La bénédiction de l’ambon par Mgr Delannoy, évêque de Saint-Denis, a eu lieu le 11 avril 2017. L’autel quant à lui a été consacré le 14 janvier 2018.