Une femme de liberté, voilà ce que caractérise Tania Mouraud. En pratiquement 50 ans de carrière, cette artiste unique en son genre échappe à toutes les catégories. Refusant tout rattachement à un courant, elle n’a cessé de faire évoluer son œuvre depuis la fin des années 1960. Elle a exploré toutes sortes de discipline – peinture, installation, photographie, performance, vidéo, son – autour d’un principe constant : interroger les rapports entre l’art et les liens sociaux.
Sa carrière démarre réellement dans un geste de destruction : un autodafé (1968) durant lequel elle brûle la totalité de ses tableaux dans la cour de l’hôpital de Villejuif. Ce geste de rébellion marque de manière radicale une rupture avec la peinture qu’elle pratique depuis 1962. C’est décidé, elle ne veut plus être peintre. Conceptrices d’installations, street artist, vidéaste, elle s’attachera à s’engager corps et âme dans les combats du monde actuel. A travers plus de 70 œuvres présentées, cette rétrospective dévoile un portrait engagé de Tania Mouraud.
« Un supplément d’espace pour un supplément d’âme ». Cette célèbre phrase du critique Pierre Restany résume parfaitement les recherches artistiques effectuées par Tania Mouraud suite à sa rupture avec le monde pictural. Elle aspire dès lors à un art de l’espace et de l’environnement relativement inédit sur la scène européenne. Elle crée ainsi les chambres de méditation, « une chambre à soi », qui manifeste une réflexion d’ordre philosophique sur l’identité et le rapport à soi. Proposant de les ajouter au cœur des appartements standardisées des années 1960-70, ces chambres sont conçues comme un environnement « psychosensoriel ». One More Night est la toute première chambre de méditation créée par l’artiste : couverte d’un sol en gradins blanc immaculé, elle accueille en son cœur une fosse aux dimensions du corps de l’artiste. « Je me construis un monde où je pourrais mourir en paix » dira-t-elle.
Cette interrogation sur l’identité, la conscience de soi, la place de l’individu dans le cosmos trouve son prolongement dans des séries de photo-textes et de photographies comme le montre People call me Tania Mouraud (1971-1973). Dans cette série de travaux sur l’identité, Tania Mouraud pose ouvertement des questions relatives à la perception et à la définition de soi.
Plus tard, elle poursuit ses investigations sur la perception en concentrant ses recherches sur la linguistique. Dans Percept as concept de 1973, l’artiste déploie des mots sur une bâche avant d’agrandir chaque lettre jusqu’à l’abstraction, explorant ainsi le potentiel plastique de l’écriture plus que son déchiffrage, de sorte à la rendre autonome.
La fin des années 1977, marque un nouveau tournant pour Tania Mouraud. Encore et toujours. Avec City Performance n°1 l’artiste abandonne son approche purement philosophique et linguistique pour un contenu désormais plus politique. Elle retourne à une certaine monumentalité et découvre l’espace public qu’elle s’approprie. A travers 54 affiches, faisant apparaitre le mot « NI », placardées sur les panneaux publicitaires de cinq arrondissements de Paris, elle dénonce les théories et les diktats consuméristes et publicitaires.
Au cours des années 2000, Tania Mouraud explore une nouvelle dimension : le rapport à l’Histoire. Un de ses œuvres emblématiques, le film Sightseeing (2002), est l’une des premières œuvres qui fait référence ostensiblement, avec cependant une évocation pudique et sobre, au drame de la Shoah. Ce film, tourné à l’arrière d’une voiture, offre une lente traversée d’un paysage de campagne enneigée jusqu’à l’entrée du camp de concentration de Struhof en Alsace. La vidéo toute entière est comme une sombre traversée à laquelle la musique – un solo déchirant de clarinette par Claudine Movsessian – confère une portée épique.
L’ordre, le chaos, la plénitude, la fureur, la création, la disparition… cette rétrospective unique montre, qu’au fil des années, Tania Mouraud a fini par laisser une place prépondérante à des thématiques profondes qu’elle affectionne particulièrement. Le formalisme a peu a peu volé en éclat pour laisser place à une dimension plus émotionnelle et sensible de l’œuvre. Mais à 72 ans, Tania Mouraud n’a pas fini de nous surprendre. Echappant à toutes les catégories, ce n’est pas maintenant qu’elle va s’arrêter…
A noter…
A partir du 27 juin, l’exposition prend toute son ampleur et se déploie dans neuf lieux et institutions culturelles de la ville. Venant compléter l’exposition au Centre Pompidou-Metz, ces lieux présentant divers aspects de l’œuvre de Tania Mouraud. Cet itinéraire à travers la ville mène le visiteur à la Galerie d’Exposition de l’Arsenal, la Chapelle des Templiers, Saint-Pierre-aux-Nonnains, Faux Mouvement – Centre d’Or – Metz métropole, aux galeries Toutouchic et Octave Cowbell, devant les vitrines du magasin Galeries Lafayette ainsi qu’à travers l’espace urbain, afin de dévoiler des œuvres emblématiques de l’artiste.
Informations pratiques :
Tania Mouraud, une rétrospéctive
Du 27 juin au 5 octobre 2015
Au centre Pompidou-Metz et dans 9 lieux partenaires à Metz
Centre Pompidou-Metz
1, parvis des Droits-de-l’Homme
CS 90490
57020 Metz Cedex 1
Tarifs :
Tarif modulable en fonction du nombre d’espaces d’expositions ouverts le jour de votre visite. : 7€ / 10€ / 12€
Entrée gratuite pour les moins de 26 ans et les publics spécifiques.
Informations et renseignements :
Tél : +33 (0)3 87 15 39 3
www.centrepompidou-metz.fr