Avec l’arrivée du style gothique, Strasbourg se trouve projetée sur le devant de la scène artistique, à la fois par les commandes à ses ateliers et par l’influence des œuvres qui y sont produites. La statuaire de la cathédrale de Strasbourg manifeste l’influence des cathédrales de Chartres et de Sens. Elle a été aussitôt imitée à la cathédrale de Bamberg et on en trouve l’écho jusque dans les vitraux de Sainte-Elisabeth à Marbourg. L’exposition réunit des œuvres dispersées provenant de collections publiques et privées européennes qui témoignent de ce bouleversement artistique (sculpture, vitrail, enluminure, orfèvrerie…) et évoque les sources ainsi que le rayonnement de cet atelier exceptionnel.
L’arrivée du style gothique à Strasbourg est une révolution. Dans une phase de rapide expansion et d’affirmation, la ville se hisse en une génération au rang de centre artistique majeur. L’orfèvrerie, qui semble avoir été déjà de qualité, s’ouvre aux nouveaux courants venus de la Meuse et ce n’est sans doute pas un hasard que le sceau de ville, consacrant l’obtention d’une personnalité juridique de celle-ci aux dépens de l’évêque, en soit le premier témoin.
Alors que la cathédrale possédait une sculpture encore romane de qualité modeste, elle se pare désormais d’une statuaire éblouissante. Alors que la cathédrale imitait celles des villes voisines, comme Worms et Bâle, l’impact de cette statuaire rayonne désormais pour trois siècles et de plus en plus loin.
À l’origine de cette révolution, on croit saisir le choix d’un sculpteur – plus probablement d’un sculpteur architecte – qui travaillait à la cathédrale de Chartres. Cet épisode fait encore l’objet de nombreux désaccords chez les historiens, qu’il s’agisse de la chronologie, des relations entre l’ancienne et la nouvelle équipe de tailleurs de pierre et de sculpteurs, de la signification exacte du programme ou des relations avec les autres chantiers.
M. Bertola
Cette exposition s’est donnée pour objectif de rassembler les œuvres identifiées du Maître du transept sud et de son entourage, parfois sous forme de moulages lorsqu’il s’agit de sculptures monumentales non déplaçables (ex. le Pilier des Anges), et de confronter les hypothèses de la recherche récente ou plus ancienne sur la question.
Les espaces du musée ont été redessinés pour l’occasion par le scénographe Jérôme Habersetzer afin de créer des volumes adaptés aux œuvres, intimistes pour les manuscrits et la petite statuaire, plus vastes pour la présentation spectaculaire des sculptures monumentales magnifiant en particulier les statues de l’Église et de la Synagogue dans une nouvelle muséographie. L’exposition est également l’occasion de confronter les sculptures du Maître avec des œuvres provenant des grands chantiers gothiques français de cette époque, et en particulier des reliefs du jubé de la cathédrale de Chartres (non exposés en temps normal) et de différents chantiers bourguignons (Sens, Semur, Dijon…).
Les recherches menées dans le cadre de la préparation de l’exposition ont été l’occasion de redécouvrir une pièce exceptionnelle, la Tête du saint Jean de la série des apôtres des portails sud, disparus pour la plupart lors de l’iconoclasme révolutionnaire. Ce fragment, connu par des photographies anciennes, a pu être identifié chez un particulier qui a accepté généreusement de le prêter. D’une qualité exceptionnelle, cette tête présente à Strasbourg jusque dans les années 1920 témoigne de la variété du style du Maître et du lien stylistique avec la statuaire bourguignonne. Elle apparaît comme l’une des productions les plus abouties de l’artiste par sa qualité technique et la subtilité du rendu de la physionomie.
Plusieurs œuvres attribuées à la suite du Maître et à son influence régionale, conservées jusqu’à présent en réserve par manque de place malgré leur qualité, seront également présentées au public. C’est le cas par exemple d’un gisant monumental et d’un fragment de personnage à la longue robe fluide qui témoignent de la postérité de l’atelier.
L’apport des études approfondies menées dans le cadre du projet, en particulier sur la polychromie des sculptures du Pilier des Anges et de l’Église et de la Synagogue, a permis de faire évoluer la connaissance sur l’aspect initial de ces sculptures. L’étude comparative des marques de tâcherons observées in situ avec l’aide de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame a donné lieu à des hypothèses nouvelles concernant l’évolution du chantier et la répartition des tâches entre tailleurs de pierre. Le travail de recherche mené lors de la préparation de l’exposition révèle ainsi des aspects méconnus de la cathédrale et de son chantier.
Informations pratiques :
Strasbourg 1200-1230 : La révolution gothique
Du 16 octobre 2015 au 14 février 2016
Lieu : Musée de l’Œuvre Notre-Dame – Arts du Moyen-Âge
3, place du Château
Horaires : du mardi au dimanche de 10h à 18h. Fermé le lundi
Tarifs : 6,5 euros / 3,5 euros (réduit)
tél. 03 68 98 51 60