« Libre à Philippe Brame », musée du Hiéron à Paray-le-Monial

L’œuvre poétique de Philippe Brame se raconte le temps d’une exposition au musée du Hiéron à Paray-le-Monial. Photographies et poèmes se déploient dans les espaces du musée, dans un dialogue sensible avec les collections. L'ensemble s'organise autour de ses thèmes de prédilection : l’épure, d’une part, choix délibéré de s’arrêter sur le « détail » ou « l’essentiel », et d'autre part le duo Ombre / lumière, avec des éclairages naturels souvent légers, parfois plus tranchés. A découvrir jusqu’au 23 juin 2019.
Publié le 30 avril 2019

« L’image, le poème, donnent à voir ce qui ne peut se montrer, parce que le manque qu’ils contiennent l’un et l’autre est digne de l’absence qu’ils déplorent », nous dit Philippe Brame. Photographe aux textes puissants et humbles, Philippe Brame nous enseigne à nous mettre à l’écoute… des mots et des images. Car poésie et photographie sont intrinsèquement liées dans son œuvre, moins comme une simple association que comme la délicate rencontre entre le verbe et le regard.

De gauche à droite : Vue de l’exposition ©musée du Hiéron; Texte de Philippe Brame et tympan roman 12e siècle ©musée du Hiéron

Philippe Brame a toujours recherché une simplicité qui résiste aux analyses. Après des études en Sciences Agronomiques et en Littérature, il reprend l’écriture de ses carnets poétiques parallèlement à son travail d’éducateur dans un Institut Médico-Educatif pour enfants aveugles. De cette expérience va naître un travail sur le sens du regard. Puis c’est le départ pour l’Afrique en tant que responsable de mission  au Centre de Recherche et de Documentation sur le Sahel. De retour en France, sa rencontre avec Lucien Hervé (1910-2007), photographe de Le Corbusier, le guident vers une création photographique qui réconcilie l’être et l’acte, le présent et l’absent …/…. Pour lui, la lumière n’est plus le contraire de l’ombre puisqu’elle peut toute seule se porter ombrage. Apprendre à voir c’est ici ne plus opposer des réalités qui ne le sont pas (1).

Philippe Brame, Gloires de l’ombre, Vézelay. ©Philippe Brame 2006 ADAGP Paris 2019

Philippe Brame travaille dans son atelier dans l’Aube depuis 1994. En privilégiant l’argentique et le Noir & Blanc, il parvient à révéler une présence qui semble conserver sa permanence. « Grâce à la camera obscura je vois que le plus fort n’est pas le plus visible, aussi je trempe mes yeux dans les flaques de lumière avant d’essayer de viser le bon endroit pour déposer la tâche sur le papier argentique. Le bon endroit, le juste placement, est aussi important que l’impression que je peux y laisser. » La recherche de l’épure, l’un de ses thèmes de prédilection, nécessite une écoute en profondeur et un certain détachement des préjugés : « Photographier un arbre par exemple, c’est d’abord tenter de le considérer autrement qu’à travers sa « condition d’arbre ». C’est tenter d’exprimer l’inexprimable, en passant du temps en silence avec cet arbre qui viendra s’imprimer sur le papier et deviendra image ». Sa technique de travail, qui laisse sa place au temps et à l’introspection, n’est pas sans rappeler celle du peintre Alexandre Hollan (né en 1933 en Hongrie). Cette « quête du voir » commune est subtilement évoquée au sein de l’exposition à Paray-le-Monial.

Philippe Brame, L’arbre et l’eau, parabole du mouvement. ©Philippe Brame 2000-2003, ADAGP Paris 2019

Huit parties se dégagent de l’exposition, sélection d’ensembles issus du parcours photographique de l’artiste, souvent nourri par les rencontres comme la série autour des sculptures de Camille Claudel ou le travail à l’abbaye de Ronchamp intitulé Sur les traces de Lucien Hervé. « Fin mai 2007, un frère franciscain vient à ma rencontre pour me proposer de poser mon regard sur la chapelle de Ronchamp construite par Le Corbusier dans les années cinquante. Lucien Hervé qui fut le photographe de Le Corbusier m’avait déjà parlé de cet édifice particulier et de la manière dont il l’avait photographié. Je répondis à ce franciscain que j’allais méditer et que je lui donnerai une réponse en juin. Le jour de ma réponse, j’appris la mort d’Hervé, étrange coïncidence, ma peine m’invita à l’ouvrage… ».

De gauche à droite (détails) : Philippe Brame, Ronchamp ©Philippe Brame, ADAGP, Paris, 2019; Philippe Brame, Camille Claudel. ©Philippe Brame, ADAGP Paris 2019

A l‘occasion de l’exposition est publié un livre-objet (2) délicat par sa forme et ses textes, mis en mots par Dominique Ponnau (3), historien d’art et écrivain, et Dominique Dendraël, conservatrice du musée du Hiéron.

Chloé Tubœuf

Notes

1- Conversations avec Corinne Filippi, 2004
2- Livre-objet « Philippe Brame », co-écrit par Philippe Brame, Dominique Ponnau et Dominique Dendraël. Disponible sur www.musee-hieron.fr
3- Dominique Ponnau est directeur honoraire de l’école du Louvre. Philippe Brame et Dominique Ponnau ont réalisé ensemble plusieurs ouvrages : Le ciel indifférent, 2014, et Présences de solitudes, 2017

Toutes les informations pratiques pour visiter l’exposition en cliquant ici.

 

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