La gloire de Saint Georges : L’homme, le dragon et la mort

Jusqu'en janvier 2016, le Musée Arts Contemporains de la Fédération Wallonie-Bruxelles au Grand-Hornu en Belgique (MAC's) propose une exposition exceptionnelle sur une figure emblématique de la tradition chrétienne : saint Georges. À travers les représentations de la légende de saint Georges dont l’épisode du combat avec le dragon reste le plus connu et le plus représenté, cette exposition ambitionne de montrer que la tradition de l’image de saint Georges et la connaissance historique que nous en avons offre le singulier privilège d’être un puissant moteur de l’imaginaire.
Publié le 23 novembre 2015

En effet, puisque le dragon et saint Georges forment deux fictions qui s’affrontent dans un combat qui n’a jamais vraiment eu lieu, il fut possible à toutes les époques de représenter cette scène en dehors d’une simple référence à un symbole figé. Ainsi, ce motif ne cessa de proliférer et de s’altérer, révélant son pouvoir non seulement à donner forme à la pensée chrétienne mais aussi aux interprétations les plus diverses qu’en firent les artistes et les hommes.

L’exposition L’Homme, le Dragon et la Mort. La Gloire de saint Georges propose une sélection parmi les nombreuses peintures, sculptures, dessins, enluminures, … ayant représenté de quelques manières le saint. Elle interroge la façon dont saint Georges et le dragon se présentent, aux yeux de nos contemporains, comme le creuset des différents combats de l’homme contre des forces hostiles, mais aussi, et peut-être surtout, de l’homme contre lui-même dans l’affirmation de son destin.

Suiveur de Lancelot Blondeel, La Légende de saint Georges, huile sur bois, 127 × 197 cm, vers 1535-1540. Bruges, Groeningemuseum. © Lukas-Art in Flanders vzw photo Hugo Maertens.

Le succès du culte de saint Georges fut considérable et sa renommée s’est répandue dans toutes les parties du monde chrétien. Il est devenu l’emblème de pays et régions d’Europe comme l’Angleterre (St. George), le Portugal, la Catalogne et l’Aragon (Sant Jordi). Figure polysémique, saint Georges fut également le Saint patron de corporations (chevaliers, armuriers, selliers, laboureurs, …), d’ordres en tous genres et de centaines de villes européennes qui se mirent sous sa protection. 

Des commandes spécifiques ont été faites à quelques artistes contemporains invités à présenter comment, aujourd’hui, ce mythe a conservé tout son sens. Parmi eux, Giuseppe Penone, Angel Vergara Santiago, David Claerbout et Luc Tuymans.

© MONS 2015

Point de départ de l’exposition

Comme nous l’évoquions en introduction, la légende de saint Georges est sans doute la plus diffusée dans l’Occident chrétien et principalement catholique.Cette représentation nécessita une grande vivacité de la part des artistes, confrontés à l’opposition de deux fictions dans un combat. La première, évidente, celle du dragon que personne n’a jamais vu. La seconde, celle de saint Georges, car il n’a pas d’ancrage historique précis. Bien que Cesare Ripa dans son Iconographie, nous offre une description de la bête : ailée, avec une queue de serpent et des griffes, l’imaginaire des artistes et la créativité des artistes sont mises à l’épreuve. Ils doivent tenter avant tout d’offrir un bête composite la plus monstrueuse possible. 

Tilman Riemenschneider, Saint Georges combat le dragon, bois, 77, 5 x 56 cm, vers 1490. Berlin. Skulpturensammlung und Museum für Byzantinische Kunst der Staatlichen Museen zu Berlin. Inv. 414 © bpk, Berlin.

Les évolutions iconographiques

Si au début, la bête composite prend la forme du montre décrit par Ripa, elle devient très vite après les croisades une espèce de crocodile. En Palestine, les croisés virent des bêtes immenses aux bouches pleines de dents. Ils revinrent même avec des têtes de crocodile pour prouver aux populations que le dragon existait. A contrario, aux XIVe et XVe siècles, saint Georges ressemble plus à un soldat. Il porte une arme avec un cote de mailles, une cuirasse et un casque. A la fin du XVe et au début du XVIe siècles, il ressemble plus à un dandy. On est passé ainsi à la chevalerie et aux croisades à la Renaissance durant laquelle saint Georges fut parfois affublé de chapeaux à plumes. Saint Georges est donc passé du « patron des croisés », son combat étant assimilé à celui que menaient les croisés contre les incroyants détenant le tombeau du Christ et les lieux saints, (la croix rouge sur fond blanc des croisés est également le drapeau de saint Georges qui est lui-même le drapeau du Christ ressuscité), à un saint Georges plus passif, combattant le dragon légèrement. 

© Mons 2015

Les lieux du combat

Tandis que le dragon vit dans les sous-bois, les marais, les grottes, saint Georges se présente dans des lieux parfaitement délimités. Dans un tableau de Paolo Ucello (non présenté dans l’exposition), saint Georges est placé du côté des champs (« Georg » = laboureur). Il crée la barrière entre le cultivé et « l’inculte », le civilité et non-civilisé. 

Paolo Uccello, Saint Georges et le dragon, vers 1470, peinture à l’huile, 55.6 × 74.2 cm, National Gallery, Londres © ATIONAL GALLERY, LONDRES

© MONS 2015

Fiction, réalité ?

Est-ce une légende, un mythe ? La légende tend plus vers une traduction en mots, en images, d’une histoire qui a un ancrage particulier. La Légende Dorée de Jacques de Voragine qui réunit au XVIe siècle tous les éléments disparates qui existent sur Saint-Georges fonde son histoire. Le mythe quant à lui est beaucoup plus considérable. Avant d’être défini par Voragine, saint Georges apparait déjà à travers le personnage de Persée qui délivre Andromaque, ou à travers celui d’Horus qui tue une bête malfaisante. La figure myhtique qui affronte un monstre menaçant une personne ou une population revient perpétuellement dans l’Histoire. Comme l’évoque Laurent Busine, co-comissaire de l’exposition : « Aujourd’hui, on retrouve saint Georges dans les figures de Superman, Spiderman, Batman & Co. À la télévision, les enfants regardent l’histoire de saint Georges et pas autre chose. Ils ne le savent pas, mais peut-être que les petits du XIVe siècle, quand ils voyaient une peinture, ne savaient pas qu’ils regardaient Horus. C’est troublant. »

© MONS 2015

Saint Georges et les artistes contemporains

Plusieurs artistes contemporains ont participé à l’exposition, faisant écho, via leur oeuvre, au mythe de saint Georges : Luc Tuymans, Angel Vergara Santiago, David Claerbout et Giuseppe Penone. Leurs oeuvres, sont bien sûr loin des formes de représentation plus anciennes. David Claerbout présente, par exemple, une vidéo évoquant des lieux où peut se dérouler tout conte de fées.

David Claerbout, Travel, extraits de la vidéo, couleur, son stéréo, 12’, 1996-2013. Courtesy de l’artiste, Galeries Micheline Szwajcer, Bruxelles et Sean Kelly, New York © Tous droits réservés

L’homme, le dragon, la mort

Le titre de l’exposition a une symbolique forte. Il englobe tout homme qui par son courage est plus fort que le destin, celui de la mort de la jeune fille chez saint Georges. Au fil du temps, l’histoire a été adaptée pour correspondre aux mythes chrétiens, mais elle reste l’histoire d’un homme courageux. « Une des interprétations possibles du mythe serait évidemment d’envisager la position humaine par rapport à la vie. » Laurent Busine.  

© MONS 2015

Saint Georges aujourd’hui

L’exposition montre ainsi comment, dans une période précise de l’histoire de l’art et de l’histoire de la civilisation, une image a été l’image symbolique du justicier. La question fondamentale du mal innaceptable et de l’homme courageux qui lutte contre celui-ci est une histoire qui tiendra toujours l’humanité. 

Informations pratiques : 

L’homme, le dragon, la mort. La gloire de saint Georges

Du 18 octobre 2015 au 17 janvier 2016

Rue Sainte-Louise 82, B-7301 Hornu (près de Mons)

+32(0)65.613.850 – www.mac-s.be

Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h. Fermé le lundi, 24/12 et 01/01.
Visites guidées gratuites du mardi au vendredi à 14h et le dimanche à 11h et 14h.
Gratuit le premier dimanche du mois et le premier mercredi du mois pour les écoles.

 

 

 

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