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 » The Last Judgement  » d’Anthony Caro, une oeuvre de la Joie

La Fondation de l’entreprise Würth pour l’art contemporain à Erstein, au sud de Strasbourg, abrite jusqu’au 4 janvier 2015 un ensemble remarquable de sculptures monumentales de l’artiste anglais Anthony Caro. C’est le plus grand ensemble d’œuvres montrées sur cet artiste après celui qui se trouve à la Tate Modern à Londres. Parmi ces œuvres exposées, se trouve "Le Jugement dernier".
Publié le 18 décembre 2014

Le thème biblique du jugement dernier, qui fut tellement représenté dans l’art occidental au Moyen Age, n’inspire plus guère l’art contemporain. Pourtant, le sculpteur anglais récemment décédé Antony Caro (1924-2013), a réalité une impressionnante série de sculptures géantes, mi-abstraites, mi-figuratives, sur le thème du jugement dernier.

Anthony CARO, The Last Trump, Détail de The Last Judgement, 1995-1999 – Céramique, béton, laiton, acier, bois de jarrah, bois d’ekki et chêne – 28 stations © Philipp Schönborn

Cette œuvre imposante et complexe fut présentée à la biennale de Venise de 1999. Elle est composée de 28 « stations », dont 2 « portes » (« The Bell Tower», et « Gate of Heaven »), cette dernière comprenant 4 «dernières trompette » («The last trump »). Il faut une immense pièce pour contenir cet ensemble sculpté, par lequel on entre en passant sous une porte, qui pourrait être la porte du jugement. Le visiteur se trouve ensuite face à des sculptures (ou « stations ») qui évoquent à la fois des références bibliques et des scènes de massacre ou de mort. On reconnait les trompettes de l’Apocalypse (Ap. 8,6 – 9,19).

C’est un jugement sans guère d’espérance : l’humanité est renvoyée à sa propre violence, dénoncée comme étant une perversion à la fois contre elle-même et contre le Créateur.  Mais de même que le livre biblique de l’Apocalypse est un livre d’espérance malgré les violences décrites, de même les sculptures d’Anthony Caro, malgré leur thème sombre, sont porteuses d’espérance.
Je vois dans cette œuvre énigmatique et majestueuse, trois motifs de joie :

– Tout d’abord, la facture de l’œuvre : cette œuvre quasiment abstraite, faite en partie d’éléments de récupération, nous montre que le langage de l’art investit aujourd’hui à la fois la forme et le fond. Il parle aux sens (ici surtout la vue et le toucher), pour nous poser la question du sens, celui de la vie, de la mort et d’une possible présence de Dieu dans le monde actuel. Car qui dit jugement dernier, dit qu’il y a un juge suprême, une justice extérieure, une personne extra nos, un Dieu.

– Ensuite, le contexte de création de l’œuvre : Antony Caro nous dit qu’il a réalisé cette œuvre immense au moment des massacres de Bosnie et du Kosovo, lors de la guerre civile qui a suivi l’éclatement de la Yougoslavie, dans les années 1990. Tant d’autres massacres et de guerres, civiles ou non, ont, hélas, éclaté depuis (Algérie, Irak, Afghanistan, Syrie…et maintenant Egypte, Mali, Centre-Afrique, Soudan, Ukraine…). Mais  je vois dans le fait qu’un artiste réponde à ces atrocités par une création artistique puissante faisant référence à la Bible, un signe d’espérance. C’est une protestation contre la souffrance.

– Et c’est là qu’intervient le troisième motif de joie : l’art fait signe, non seulement en direction du monde et de ses atrocités, mais aussi en direction des textes bibliques. Qui dit jugement dernier dit textes de la Bible, en particulier celui de Matthieu 25, ou le livre de l’Apocalypse. L’artiste, comme le spectateur, doivent alors relire ces textes difficiles ou oubliés, pour comprendre le sens ultime de cette œuvre d’art.

Anthony CARO, The Last Judgement, 1995-1999 – Céramique, béton, laiton, acier, bois de jarrah, bois d’ekki et chêne – 28 stations © Philipp Schönborn

Les textes bibliques sur le jugement constituent une Parole, à la fois de condamnation et de pardon, de jugement et de libération, pour l’être humain d’aujourd’hui. Il faut les comprendre dans un souci de responsabilisation et de justice. Dieu nous dit que nous sommes responsables, devant lui et devant le tribunal de l’histoire, de nos actes. On ne peut pas exercer impunément la violence, laquelle est condamnée par le Dieu de la Bible, qui est un Dieu d’amour et de pardon.

Jérôme Cottin

Pour en savoir plus sur la Fondation Würth et Anthony Caro www.musee-wurth.fr

Pour une visite virtuelle du musée www.musee-wurth.fr

 


L’auteur : Jérôme Cottin est Professeur de théologie pratique à la Faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg. Il est l’auteur de nombreux livres sur l’art et le christianisme, et responsable du site internet : www.protestantismeetimages.com

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