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Le trésor s’enrichit à toutes les époques : hommage à Michel Arnout

Il n’est pas besoin de remonter trop loin dans le temps pour retrouver la trace des dernières œuvres entrées au Trésor de la Cathédrale de Besançon. En effet, de nos jours encore il s’enrichit de nouvelles pièces. Ce fut le cas récemment avec le legs de Michel Arnout, diacre du diocèse de Besançon.
Publié le 18 septembre 2018
Écrit par Chloé Baverel

Le trésor de la cathédrale de Besançon est aujourd’hui considéré comme un lieu de conservation des objets d’art sacré, dont l’accès est restreint actuellement mais qui à l’avenir se voudra largement ouvert au public. C’est pourquoi depuis quelques années, on voit revenir des pièces appartenant au trésor originel qui avaient probablement été cachées lors des saisies révolutionnaires ou suite à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905. On voit également apparaitre de nouvelles œuvres qui proviennent de particuliers qui souhaitent les déposer ou les donner au diocèse de Besançon dans le but de les conserver et de les exposer. C’est le cas de ce legs Arnoult, comprenant une vingtaine d’œuvres.

Ce patrimoine vient de M. Camille Cellard (1864-1927), grand-père maternel de Michel Arnout, qui a été architecte à Besançon. Apparemment grand collectionneur, il avait déniché des pièces rares tout au long de sa vie. Certaines d’entre elles font aujourd’hui partie des œuvres exceptionnelles du Trésor de la cathédrale Saint-Jean.

    

On y trouve notamment cette magnifique statuette représentant le Bon larron. Cet ivoire monoxyle, daté du XVe siècle proviendrait d’Europe du Nord. A l’origine il faisait certainement partie d’un groupe de calvaire réunissant au moins le Christ en croix et les deux larrons crucifiés sur le mont Golgotha. Quelques traces de polychromie sont encore détectables sur le tronc.

Autre rareté, cette Ostension du Saint Suaire de Besançon est remarquable surtout par sa grande dimension (H. 46 x L. 57,5 cm). Ce panneau de dévotion a certainement été produit en Franche-Comté au XVIIIe siècle pour honorer la relique bisontine dont nous avions parlé dans un précédent article. Sur un fond de soie, des broderies en fils de soie et d’or encadrent la scène principale. Sous un dais brodé, deux ecclésiastiques entourent l’évêque – crossé et mitré – pour l’ostension du Saint-Suaire. Les visages, les surplis, les mains et le corps du Christ sont peints.

     

Œuvre monumentale s’il en est, ce lutrin à l’aigle bicéphale mesurant plus de deux mètres de haut, daterait du dernier quart XVIIe siècle. En bois peint à effet faux bronze avec rehauts dorés, l’aigle bicéphale est dressé sur un globe, portant une chaîne de maillons dorés autour du cou. Un bouquet de feuilles d’acanthe doré fait la transition avec le pied tripode à volutes, monté sur des pieds boules à roulettes. Entre les volutes, se trouve trois médaillons : deux coquilles et un blason non identifié comme l’inscription « VG » sur le globe.

Certaines œuvres moins rares car provenant d’une forme de production en série restent néanmoins remarquables par leur âge. Entre autres, on trouve ce Christ en cuivre et émaux champlevés typique de la production limousine au début du XIIIe siècle. Il porte une couronne haute et ses yeux devaient être émaillés. L’anatomie du buste est stylisée par une gravure des côtes et le perizonium qui tombe jusqu’aux genoux est orné de plis parallèles en émail de couleur bleu et blanc, malheureusement celui-ci a été amputé de ses jambes et de ses avant-bras.

    

De même, la production de poupées malinoises dont nous avons un exemple avec cette sainte Catherine d’Alexandrie en bois de noyer polychromé. Vers 1515-1525, Les ateliers de Malines (Anciens Pays-Bas méridionaux) exécutaient en série de telles œuvres de format modeste destinées à la dévotion privée. Cette statuette porte au revers la marque de Malines (les trois pals des armes de la ville), qui garantit la qualité du bois utilisé.

Il faut remarquer la prédominance de la statuaire en bois dans cette donation. En particulier, cette Vierge à l’enfant du XVe siècle en bois de noyer entoilé et polychromé dont le revers est évidé car il s’agit d’une statue d’applique. La restauration de 2015 a mis en évidence une polychromie d’origine plus riche cachée sous deux repeints successifs, mais a choisi de n’alléger que la dernière couche de badigeon marron. Les deux couronnes amovibles en bois peint et doré sont un ajout postérieur.

        

A noter également cette magnifique statue de saint Sébastien en bois de noyer sculpté de l’école allemande du XVe ou XVIe siècle. Sa pose contrapposto et son visage renaissant « à la Léonard » en font une œuvre très intéressante. Provenant également d’Allemagne – Souabe – ou de Suisse – Fribourg – deux statues de calvaire représentant la Vierge Marie et Saint Jean auraient été produites vers 1520.

   

Enfin une dernière statue en bois du XVIIIe siècle plus remarquable par le témoignage qu’elle apporte au culte de saint Vernier dans le diocèse que par son exécution. La Franche-Comté est alors une grande province de viticulture et compte de nombreuses confréries de saint Vernier à partir du XVIe siècle. Petite particularité notable les six doigts de la main gauche du saint patron des viticulteurs.

  

Ce legs contenait également d’autres œuvres moins exceptionnelles mais intéressantes pour le témoignage qu’elles apportent sur la dévotion catholique à différentes époques : un Christ janséniste en bois sculpté du XVIIe siècle, une représentation du Saint-Sépulcre en nacre, une petite custode ancienne portant l’inscription « MAR », un petit tryptique en bronze, une croix en bronze, une croix reliquaire en bronze contenant une statuette de la Vierge en plâtre et deux pièces en cuivre : l’une portant un petit ange en train d’écrire et l’autre figurant Adam et Eve.

D’autres œuvres également en lien avec l’histoire du diocèse ou de la ville de Besançon sont à noter : une patène dite de Nuremberg en étain, une lampe de sanctuaire en céramique, probablement d’époque romaine, trois médailles commémoratives – représentant le cardinal de Granvelle (conseiller d’état de Charles Quint, archevêque de Besançon de 1585 à 1586), le cardinal Mathieu (archevêque de Besançon de 1834 à 1875) et un Arc de triomphe (peut-être la Porte Noire) – et une gravure encadrée du XIXe siècle de la boucle de Besançon avec la Citadelle, l’église Saint-Etienne sur le mont et la cathédrale Saint-Jean.

Pour finir, le legs contient deux consoles en chêne sculpté ajouré, à motifs d’oiseaux, fleurs, acanthes, rinceaux, reposant l’une sur 4 pieds, l’autre sur 2 pieds, réunis par une entretoise à motifs ajourés, d’époque Régence et Louis XV et un coffret en étain repoussé exécuté au début du XXe siècle par Marie-Madeleine Cellard, la fille de Camille Cellard, décédée à l’âge 20 ans.

Chacune de ces oeuvres, destiné à l’archevêché de Besançon, pourra être déposé au Trésor de la cathédrale ou exposé ponctuellement en fonction de l’intérêt plus ou moins important que présente chaque œuvre. L’ensemble du legs sera ainsi protégé pour les générations à venir.

 

Chloé Monnier

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