Voir toutes les photos

Christians kirke : l’église-théâtre (1754-1759)

Une curiosité du patrimoine religieux de Copenhague (photographie: Flemming Pless)
Publié le 22 août 2009

 

La tour et l’entrée de l’église de Christian (Christians kirke), Copenhague

© C. Levisse

 

Dans le quartier de Christianshavn, à Copenhague, se trouve l’église de Christian « Christians kirke », auparavant nommée l’église allemande de Frederik car c’est à la communauté allemande de Copenhague que servait ce lieu de culte (jusqu’en 1901). L’église porte aussi le surnom de « l’église-théâtre » (« teaterkirken »), qui prend sens dès que l’on y pénètre. Les murs, à l’exception de celui de l’autel, sont couverts par des loges, comme dans un théâtre ou un opéra.

 

 

Christians kirke, les loges  © C. Levisse

L’église est construite sur les plans dessinés par Nikolai Eigtved (1701-1754). La construction commença l’année de la mort de l’architecte danois et s’acheva en 1759. Eigtved fut l’architecte favori de Christian VI et le premier directeur danois de la toute nouvelle Académie des Beaux-Arts de Copenhague. Il participa au chantier des châteaux de Christiansborg et d’Amalienborg. C’est également lui qui dessina les plans du premier théâtre royal de Copenhague, construit en 1748. Le travail autour de ce dernier édifice participa probablement à l’introduction des loges dans l’église de Christian.

On voit sur le plan au sol que le rectangle qui forme la nef, au lieu d’être disposé dans la longueur l’est sur la largeur, dessinant un espace particulier, dans lequel le chœur est séparé du reste de l’espace parce qu’il est sur un podium.

 

 

 

L’entrée se fait par la tour, dans un espace intermédiaire entre l’extérieur et la nef, une sorte de narthex. On remarquera que les loges ne sont pas collées au mur, un couloir court entre les deux, permettant ainsi une meilleure circulation, ainsi que l’éclairage naturel grâce aux grandes fenêtres percées dans les murs, en grande partie cachées par les loges. A l’instar d’une salle de théâtre, quelques bancs sont répartis au centre de l’espace, tandis que les trois niveaux de loges referment l’espace autour de l’autel. La chaire depuis laquelle le prêtre prononce son sermon est placée juste au-dessus de l’autel. Cette disposition insiste sur la centralité non seulement de l’Eucharistie, mais aussi du sermon et donc des mots dans la liturgie protestante. Au niveau formel, l’autel et la loge royale (située juste en face de l’autel et au-dessus de l’entrée) reflètent particulièrement le goût toujours en vogue pour l’art baroque et la mise en scène, dans la Copenhague du 18ème siècle.

 

 

Ci-dessus, à gauche : Christians kirke, l’autel  © C. Levisse
Ci-dessus, à droite : Christians kirke, l’entrée et la loge royale   Photo : Flemming Pless

 

L’église comme théâtre
Un siècle avant la construction de cette église, Calderón de la Barca avait mis en scène Le Grand Théâtre du monde (Espagne, 1655), exprimant une idée alors répandue : la vie humaine est comme une pièce de théâtre dont nous sommes les acteurs, et dont Dieu est l’auteur. La vie comme une pièce de théâtre à laquelle on assiste autant qu’on y joue est une conception que l’on trouve souvent présente dans l’art baroque. Dans la chapelle Cornaro de Notre-Dame-de-la-Victoire à Rome, le Bernin a représenté des spectateurs qui se penchent à un balcon pour regarder son Extase de Sainte Thérèse qui se déroule sur le mur de l’autel (1647-1652). Dans l’église de Christian, ce sont de vrais spectateurs qui peuvent prendre place dans les loges pour assister au service.
L’église est le théâtre dans lequel dans lequel se joue à chaque service religieux la célébration du sacrifice du Christ. De telles mises en scène – les spectateurs en marbre, les loges – rappellent la fonction du théâtre, qui est aussi celle du rituel religieux, depuis l’Antiquité : la catharsis, c’est-à-dire la purification de l’âme par la pitié qu’un spectateur éprouve face au spectacle d’une destinée tragique. En prenant part au rituel qui se joue autour de l’autel, celui qui est présent doit en être édifié, il doit se sentir porté à la piété.

 

Christians kirke, vue de l’intérieur depuis les loges  Photo : Flemming Pless

 

Sur le plan historique, l’église de Christian a accueilli de 1832 à 1839, pour des chants du soir, le pasteur N. F. S. Grundtvig (1783-1872), l’un des personnages les plus importants pour la construction de l’identité moderne de l’Église évangélique-luthérienne danoise. Grundtvig a écrit un grand nombre d’hymnes dont certains sont toujours chantés ; il est aussi célèbre pour avoir dit que les croyants sont « hommes d’abord, chrétiens ensuite ». Cette formule reflète sa vue de la vie terrestre qui est un cadeau et doit être une joie. On parle d’ailleurs de « Christianisme joyeux » (« Den Glade Kristendom ») pour désigner la tendance qu’il a lancé au sein de l’Église luthérienne danoise.
De nos jours, l’église de Christian est toujours le théâtre de nombreuses performances artistiques ; son aménagement intérieur fait de cet espace un lieu idéal pour les concerts.

 

 

Contenus associés
Commentaires
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *